Examen normal
La toux a débuté quelques semaines après son retour. Cette toux, malgré différents traitements antibiotiques et antitussifs, a persisté durant un mois. Elle a secondairement rétrocédé spontanément. Un prurit intense est apparu deux mois après les premières manifestations décrites. Les différents traitements antihistaminiques administrés se sont révélés inefficaces.
Un bilan biologique est alors réalisé objectivant une hyperéosinophilie à 899/mm3 (N inférieure à 500).
L’examen clinique du patient se révèle tout à fait normal, en dehors de l’existence de lésions excoriées sur le tronc, avec des plages chéloïdes témoignant de l’importance du prurit ( Cf. photo 1).
Question
Compte tenu des différents éléments recueillis, quel type de parasitose devez-vous évoquer parmi celles qui vous sont proposées ?
1) Une giardiase,
2) une amibiase,
3) une opisthorchiase,
4) une ascaridiase.
Réponse: 4
Diagnostics écartés
La giardiase est une infection secondaire à une infestation par Giardia lamblia (appartenant à la famille des protozoaires). Elle atteint surtout les enfants ainsi que les personnes immunodéprimées. Les manifestations cliniques sont dominées par des diarrhées.
Tout comme dans le cas de l’amibiase, cette parasitose n’est pas associée à une hyperéosinophilie (comme tous les protozoaires). Le prurit et la toux ne sont pas décrits dans cette situation.
L’amibiase est également un protozoaire. Le pouvoir pathogène est dû à Entamoeba histolytica qui donne principalement des troubles digestifs (diarrhée glairo-sanglante : la classique « dysenterie amibienne »). On retrouve parfois lors de la migration parasitaire des abcès amibiens au niveau du foie et par effraction du diaphragme des manifestations pulmonaires (rupture de la cavité pleurale, notamment).
On ne met pas en évidence de prurit dans le cas de contamination par une amibe et, comme déjà signalé précédemment, s’agissant d’un protozoaire, il n’existe pas d’hyperéosinophilie.
Les hyperéosinophilies d’origine parasitaire ne sont décrites uniquement que dans les cas d’infestations par des helminthes.
L’opisthorchiase est une distomatose hépatobiliaire déterminée par plusieurs douves de la famille des Opisthorchiiadae (la douve de Chine et la douve des félidés étant les plus rencontrées) qui appartient au groupe des helminthes trématodes (vers plats).
Ces parasitoses se rencontrent principalement en Asie et non pas en Afrique, à l’exception de la douve des félidés qui se rencontre en Russie et en Europe centrale. Dans notre cas clinique, nous éliminions ce diagnostic, car la Guinée n’est pas concernée par cette parasitose.
Le cycle évolutif de ce parasite fait intervenir deux hôtes intermédiaires (un mollusque, le Bithynia) et deux types de poissons :
– les cyprinidés ou poisson rouge pour les douves de Chine ;
– les carpes, tanches ou gardons pour les douves félidés.
Après avoir été éliminé par les matières fécales d’un sujet infesté, l’oeuf libère en eau douce un embryon cilié (le miracidium). Ce dernier rejoint son premier hôte et se transforme en sporocystes composées de nombreuses rédies ; lesquelles donnent à leur tour des cercaires.
Quittant leur premier hôte intermédiaire, elles rejoignent leur deuxième hôte en s’enkystant sous la forme de cercaire.
L’homme se contamine en consommant ces poissons.
Les manifestations cliniques sont dominées par des douleurs abdominales, des manifestations allergiques et des épisodes de dyspnée, voire de toux.
Des poussées d’angiocholite ainsi qu’une cirrhose à un stade avancé sont décrites.
Le diagnostic est basé sur la découverte d’oeufs au niveau des selles. Il existe également une hyperéosinophilie de 10 à 20 %.
En cas d’échec de l’examen des selles, on peut avoir recours aux réactions immunologiques. Cependant, dans la forme chronique, elles peuvent être négatives.
La toux
Retenant le diagnostic d’ascaridiase, à quelle description clinique correspond cette toux?
Il s’agit du syndrome de Loeffler qui est décrit comme un infiltrat pulmonaire à éosinophiles. Lors de leur passage au niveau pulmonaire, les larves provoquent des réactions mécaniques de la paroi alvéolaire et des réactions allergiques locales.
Le tableau clinique comporte à cette occasion une toux sèche, une discrète fébricule, avec parfois des crachats hémoptoïques.
Radiologiquement, il est mis en évidence des opacités mal systématisées, floues, pommelées nodulaires ou miliaires.
L’ascaridiase
Elle est due à une contamination par un ascaris lumbricoïde qui est une helminthiase appartenant au groupe des nématodes (vers ronds). Ce vers blanc rosé est long de 30 cm. L’homme se contamine en absorbant des aliments contaminés par des oeufs matures. Arrivés dans l’estomac, une larve quitte l’oeuf pour suivre un périple allant du foie au coeur, puis dans les veines sushépatiques.
Au niveau du coeur, elle continue son voyage via l’artère pulmonaire vers le poumon. A cet endroit, elle subit deux mues.
La larve poursuit alors son cheminement vers le carrefour aéro-digestif, bascule vers le tube digestif et gagne l’intestin grêle où elle mue pour la dernière fois avant de devenir adulte.
Cliniquement, on trouve des douleurs abdominales, des coliques. Une masse de vers agglomérés peut donner une occlusion intestinale.
Entrant en compétition vis-à-vis de la nourriture du sujet, ils peuvent engendrer ou aggraver une malnutrition.
Lors du passage pulmonaire, il est classique de retrouver le syndrome de Loeffler.
Le prurit décrit dans notre cas clinique correspond à une sécrétion d’histamine par le parasite.
Le diagnostic est posé devant la découverte d’oeufs ou de vers adultes dans les selles.
Les oeufs sont caractéristiques de forme ovoïde de 60 x 50 µm avec une coque épaisse et mamelonnée.
Au stade larvaire, le diagnostic est plus difficile, et il faut avoir recours au sérodiagnostic ; l’hyperéosinophilie n’étant qu’un élément d’orientation.
Le traitement repose actuellement sur l’utilisation de Fluvermal à raison de 2 cp/j durant 3 jours. Il existe également une forme pédiatrique.
Pour les femmes enceintes, on a recours au Combantrin à raison de 6 cp en prise unique.
Bibliographie
C. Hasslette, E.-R. Chilvers, J.A.A. Hunter, N.A. Boon, N.R. Colledge.
Davidson. Médecine interne, principes et pratique, Editions Maloine, 2004.
M. Gentilini. Médecine tropicale. Editions Flammarion Médecine-Science, 1997.
P. Bourrée. Helminthiases. Encyclopédie médico-chirurgicale, 1994 ; 25 061 A10.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature