Facteurs de risque cardio-vasculaire

Toutes les recommandations à mettre en musique

Publié le 27/04/2006
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LE FAIT le plus marquant de ces dernières décennies est d’avoir apporté la démonstration de l’effet cumulatif des différents facteurs de risque cardio-vasculaire. Il ne peut plus être question de traiter une HTA, une dyslipidémie ou même un diabète sans tenir compte de l’ensemble des facteurs de risque et donc du niveau de risque global. Ce dernier détermine la prise en charge et les objectifs thérapeutiques à atteindre.

Par ailleurs, la responsabilité du LDL-C dans la maladie ischémique est aujourd’hui clairement établie. Tout bilan lipidique repose sur une EAL (exploration d’une anomalie lipidique), dosant le cholestérol total, le HDL-C et les triglycérides (TG), ce qui permet de calculer le LDL-C ; un taux de TG > 4g/l nécessite un dosage direct du LDL-C.

Le seuil d’intervention et les objectifs à atteindre dépendent donc du niveau de risque global du sujet. Les facteurs de risque entrant dans cette estimation sont : l’âge supérieur à 50 ans pour un homme et 60 ans pour une femme, des antécédents familiaux de coronaropathie précoce, un tabagisme actuel ou datant de moins de 3 ans, une HTA permanente traitée ou non, un diabète traité ou non, un HDL-C inférieur à 0,40 g/l. Un HDL-C supérieur à 0,60 g/l est un facteur de protection. Les recommandations précisent que tous les sujets qui ont un LDL-C >1,60 g/l (4,1 mmol/l) doivent recevoir des conseils hygiéno-diététiques, ainsi que tous ceux avec au moins un facteur de risque CV. Par ailleurs, le seuil d’intervention médicamenteuse et l’objectif thérapeutique (pour le LDL-C) est de 2,20 g/l chez les sujets sans autre facteur de risque, de 1,90 g/l pour ceux avec un facteur, de 1,60 g/l pour ceux avec deux facteurs et de 1,30 g/l pour ceux avec trois facteurs. Et, fait nouveau dans ces dernières recommandations, les sujets en prévention secondaire ou avec un risque équivalent ont un objectif thérapeutique de 1g/l. Cette dernière catégorie regroupe les patients avec des antécédents de maladie coronaire ou vasculaire avérée ; ceux ayant un diabète de type 2 avec un haut risque cardio-vasculaire (atteinte rénale ou deux facteurs de risque plus une microalbuminurie), et les patients ayant un risque calculé > 20 % de faire un événement coronarien dans les dix ans.

La place des statines.

Par ailleurs, les nouvelles recommandations soulignent l’importance de la prise en charge diététique (les mesures devant être poursuivies même après instauration d’un traitement médicamenteux). Elles proposent également de commencer le traitement pharmacologique à faible dose et d’augmenter les posologies en fonction de l’efficacité et de la tolérance ; les fortes doses et les associations sont discutées seulement au cas par cas. Enfin, la thérapeutique de base de tout sujet hyperLDL-cholestérolémique repose sur les statines. Les fibrates sont proposés face à une hyperTGdémie sévère et isolée, une intolérance aux statines ou une hypoHDL-cholestérolémie avec un LDL-C <1 g/l.

De nouvelles recommandations sur l’HTA ont été publiées peu de temps après celles sur les dyslipidémies. Outre l’importance de considérer l’ensemble des facteurs de risque, l’accent a été mis sur les bonnes pratiques diagnostiques et l’utilité de recourir à l’automesure. Celle-ci permet d’éviter des erreurs par excès, « effet blouse blanche », – la PA prise au cabinet du médecin est trop élevée alors que celle mesurée à plusieurs reprises au domicile reste normale –, et des erreurs par défaut « HTA masquée », – la PA est normale, alors que les moyennes de PA à domicile sont trop élevées. Une « HTA masquée » a la même dangerosité qu’une HTA connue et mal contrôlée. Toutefois l’automesure, pour être pertinente, nécessite l’utilisation d’appareils validés (liste de l’Afssaps) et la prise en compte de seuils de normalité plus bas qu’au cabinet (>135/85 mmHg au lieu de <140/90 mmHg). La Mapa garde son utilité pour évaluer les variations nycthémérales de la PA ; les normes sont les suivantes : éveil 135/85, sommeil 120/80 et, sur 24 heures, 130/80 mmHg.

Les facteurs de risque à prendre en compte sont les mêmes que ceux précédemment cités ; une attention particulière doit être portée à l’atteinte des organes cibles : HVG (hypertrophie ventriculaire gauche), microalbuminurie, calcul de la clairance de la créatinine par la formule de Cockcroft-Gault. Comme pour les dyslipidémies, des mesures hygiéno-diététiques doivent toujours être proposées : limitation des apports en sel à 6 g/j, réduction pondérale si IMC > 25 kg/m2, activité physique, limitation de la consommation d’alcool, augmentation de la consommation en fruits et légumes, arrêt du tabac.

Les associations thérapeutiques chez le diabétique.

Le seuil d’intervention et l’objectif thérapeutique de 140/90 mmHg pour tous sont abaissés à 130/80 en cas de diabète de type 2 ou d’atteinte rénale. Les cinq principales classes d’antihypertenseurs peuvent être utilisées en première intention (le choix se fait sur des critères d’âge, d’atteinte associée, d’efficacité et de tolérance individuelles). Le traitement est débuté en monothérapie ou avec une association à faible dose. On est souvent rapidement appelé à prescrire une bithérapie, voire une plurithérapie. Certaines associations sont synergiques comme : bêtabloquant (BB) + diurétique thiazidique (D th) ou + inhibiteur calcique (Ica) ; ARA II + D th ou Ica ; IEC + D th ou Ica ; ou D th + Ica. Les autres associations ne sont ni synergiques ni contre-indiquées. Les recommandations sur le diabète tardent à paraître. Elles sont pourtant prêtes et le Pr André Grimaldi en a tracé les grandes lignes. Elles insisteront certainement sur l’importance d’atteindre les objectifs glycémiques. L’étude de Boston (Diab. Med. 2004) montre que, dans la moitié des cas, aucun changement thérapeutique n’intervient malgré un taux d’HbA1c supérieur à l’objectif pendant un an. L’une des raisons à cela est précisément la complexité des recommandations quant aux objectifs (6,5 %, 7 % ou 8 %). L’étude UKPDS a montré l’échec de la stratégie de la monothérapie, le taux d’HbA1c s’élevant inexorablement au fil des mois malgré l’augmentation des doses. Elle a montré également l’importance du contrôle de l’HbA1c pour prévenir les complications : une baisse de 1 % d’HbA1c diminue de 25 % les complications microangiopathiques et de 16 % les infarctus du myocarde. La progression de la maladie est due à la défaillance de l’insulinosécrétion pancréatique. Pour freiner cette défaillance, il faut diminuer l’hyperstimulation des cellules bêta par tous les moyens : en corrigeant l’hyperglycémie (ce que font toutes les classes d’antidiabétiques), en diminuant les acides gras libres (glitazones ou insuline), en diminuant l’insulinorésistance (metformine, glitazones), ou en « paralysant » la cellule bêta (au stade de la recherche). Finalement, les prochaines recommandations proposeront de baser le traitement – autant que faire se peut – sur la physiopathologie. Dans ce contexte, l’orlistat diminue les apports en graisses, les inhibiteurs de l’alpha-glucosidase abaissent l’index glycémique ; l’activité physique et les glitazones augmentent la sensibilité musculaire à l’insuline ; les glitazones et la metformine freinent la production hépatique de glucose ; les sulfamides et les glinides stimulent l’insulino-sécrétion et l’insulinothérapie tente de mimer la production endogène d’insuline. Cinq étapes thérapeutiques sont distinguées : la première est celle des mesures hygiéno-diététiques (poursuivies au cours des quatre étapes suivantes) – objectif d’HbA1c < 6 % ; la deuxième est celle de la monothérapie – HbA1c < 6,5 % ; la troisième de la bithérapie – HbA1c < 6,5 % ; la quatrième de la trithérapie ou de l’association insuline + metformine – HbA1c < 7 % ; et la cinquième repose sur insuline + metformine ± ADO – HbA1c < 7 %.

« Actualités diagnostiques et thérapeutiques en prévention cardio-vasculaire ». Session présidée par le Pr Eric Bruckert (groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris).

&gt; Dr DENISE CARO

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7950