DEPUIS la réémergence de la syphilis à la fin de l'année 2000, toutes les données de surveillance confirment la recrudescence des infections sexuellement transmissibles. Un constat général inquiétant qui témoigne d'un relâchement de la prévention et que vient confirmer le bilan publié aujourd'hui par le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire ».
Neisseria gonorrhoæ
Les infections à gonocoques en sont un exemple significatif. La courte période d'incubation et la symptomatologie bruyante des urétrites gonococciques chez l'homme en font un indicateur épidémiologique très réactif des comportements sexuels à risque et de leurs éventuelles modifications. La tendance à la hausse observée depuis plusieurs années s'est accentuée. Mesurée par le nombre moyen de gonocoques isolés par laboratoire (Ng/lab/an), l'augmentation est de plus de 50 % (3,75 Ng/lab contre 2,5 en 2005). La tendance affecte l'ensemble des régions, mais, contrairement aux années précédentes, elle est plus importante dans les régions hors Ile-de-France, qui reste toutefois la plus touchée. Même chose en ce qui concerne les individus : la hausse concerne les deux sexes et les hommes restent majoritaires, mais elle est plus marquée chez les femmes (+ 206 % contre + 24 %). Entre 2005 et 2006, le nombre de gonococcies a augmenté d'un facteur 3, ce qui suggère une accélération de la transmission au sein de la population hétérosexuelle. Autre fait marquant de ce bilan : comme dans d'autres pays européens, la proportion des souches résistantes à la ciprofloxacine continue de croître, mais la France se situe parmi les pays où le taux de résistance est le plus élevé (43 % contre 21,7 % au Royaume-Uni). La résistance plus marquée pour les souches rectales indique une transmission chez les homosexuels.
Cette augmentation «est inquiétante, soulignent les auteurs. Elle suggère que les recommandations émises par l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) en 2005, concernant les traitements probabilistes des urétrites et cervicites non compliquées, ne sont pas appliquées par l'ensemble des médecins prescripteurs français». Une campagne d'information va être organisée à leur intention par l'INPES (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé).
Lymphogranulomatose vénérienne rectale
Endémique dans certaines régions d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud, dans sa forme génitale, la lymphogranulomatose vénérienne (LVG) a émergé en France et dans les autres pays européens en 2003 dans sa forme rectale. Due à Chlamydia trachomatis, essentiellement la souche L2 en France, l'infection touche exclusivement les homosexuels avec une symptomatologie caractérisée par des rectites ulcérées accompagnées d'un écoulement purulent ou hémorragique. En 2006, le nombre de LVG rectale a augmenté de 11 %. Tous les diagnostics ont été réalisés chez des hommes le plus souvent séropositifs pour le VIH (93,9 %), ce qui, là encore, indique une persistance de la transmission de l'infection dans cette population.
Quant aux infections urogénitales à Chlamydia trachomatis, leur diagnostic est en augmentation régulière depuis 2003 : l'augmentation du nombre de diagnostics positifs est de 55 % chez l'homme et de 62 % chez la femme. La proportion de personnes asymptomatiques parmi les cas diagnostiqués augmente chaque année. L'augmentation du nombre de diagnostics n'implique pas forcément, dans ce cas, une augmentation de l'incidence des infections urogénitale à Chlamydia trachomatis, car elle peut être due à une progression du dépistage dans les populations à risque. Enfin, la nouvelle souche de Chlamydia trachomatis, apparue en Suède en 2006 et présentant une délétion sur son plasmide cryptique, ne semble pas pour l'instant s'être implantée en France. Un seul cas a été identifié chez une femme originaire d'un pays de l'Union européenne. La raison de l'apparition du variant en Suède est encore méconnue. Toutefois, l'hypothèse avancée est que le dépistage intensif à l'aide d'un test ciblant le plasmide a favorisé la sélection du nouveau variant.
Syphilis
«L'épidémie de syphilis est toujours d'actualité en 2006.» Après une diminution en 2004 et 2005, le nombre de cas est de nouveau en hausse. Le profil des personnes atteintes n'a pas changé depuis 2000 – homo- et bisexuels masculins –, mais leur nombre est en augmentation en province et parmi les homo- et bisexuels séronégatifs pour le VIH, des données qui sont en faveur d'une transmission hors du «core group» initial d'homo- et bisexuels séropositifs parisiens. La proportion féminine, quoique faible, augmente elle aussi chaque année. La hausse observée du nombre de ceux qui rapportent des antécédents de syphilis au cours des douze derniers mois semble témoigner que la maladie dont le traitement est simple et peu coûteux, est considérée sans risque, y compris par les séropositifs VIH.
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