POUR LA première fois dans l’histoire d’un tournoi du Grand Chelem, les tableaux du simple messieurs et du simple dames sont lancés dès dimanche, en préambule de la traditionnelle quinzaine de l’Open de France. 35 000 spectateurs par jour, à raison de 15 000 aficionados par match, soit la population d’une préfecture comme Béziers. Et environ 700 participants inscrits pour les diverses compétitions (hommes, femmes, juniors et seniors), l’élite de l’élite tennistique de la planète. Pendant deux semaines, jusqu’au dimanche 11 juin, les uns et les autres vont faire l’objet d’une supervision médicale des plus vigilantes, évidemment adaptée aux risques auxquels les uns et les autres sont exposés.
«Nous consacrons une grande part de nos efforts à la prévention, explique au « Quotidien » le Dr Bernard Montalvan, directeur adjoint à la FFT (Fédération française de tennis), en charge du médical. A 50 ans, ce rhumatologue parisien, qui partage son temps entre son cabinet du 16e arrondissement et ses responsabilités fédérales (suivi médical des sportifs de haut niveau, de leurs entraîneurs, gestion du centre médical de Roland-Garros, représentations de la FFT à l’Agence nationale de lutte contre le dopage), offre à tous les joueurs inscrits la possibilité de bénéficier d’un bilan cardio-vasculaire très complet. «C’est le PrOlivier Dubourg qui, en une demi-heure, réalise les examens dans son service de l’hôpital Ambroise-Paré, à Boulogne-Billancourt, distant de cinq cents mètres de Roland-Garros.»
Parer au risque de mort subite.
Ce check-up est une nouveauté. Proposé lors des Internationaux de 2005, il avait alors été demandé par trente-cinq joueurs. Sans doute faut-il relier cette disposition à la procédure qui a été conçue et mise en place en 2003 pour parer au risque de mort subite. Officiellement, le sujet n’est pas abordé. Mais il est la hantise de tous les médecins du sport, en particulier depuis les quelques événements retentissants survenus sur les terrains de football. Certes, le tennis n’a pas été endeuillé par le phénomène, mais mieux vaut prévenir le risque. Cette année, une ligne directe a été installée, reliée au poste médical où est présent un urgentiste réanimateur, et l’arbitre sur chaise doit activer une alerte rouge dès qu’un joueur tombé sur la terre battue reste inerte pendant cinq secondes (l’an dernier, la procédure prévoyait un délai de quinze secondes avant de déclencher l’alerte). Le plan prévoit le déploiement des moyens de réanimation immédiatement, sur le site.
Si c’est nécessaire, l’évacuation est prévue vers Ambroise-Paré à bord d’un véhicule du Samu de Paris ou de la Bspp (brigade des sapeurs-pompiers).
D’autres nouveautés concernent des occurrences moins dramatiques : jeudi 1er juin, une journée dermatologique est organisée, pour répondre à toutes les préoccupations concernant les allergies, de la peau, les mycoses des pieds, etc.
Car la littérature médicale de Roland-Garros montre qu’en cette saison, la proximité du bois de Boulogne et du périphérique aidant, ces pathologies sont relativement fréquentes. L’an dernier, une quinzaine de consultations ont été motivées en dermatologie.
Mais c’est surtout la traumatologie qui occupe la dizaine de praticiens mobilisés sous la houlette du Dr Montalvan, avec 60 % des 518 consultations. Une traumatologie qui affecte les membres inférieurs (83), supérieurs (62) et le rachis (30), avec des lésions des tendons, des muscles et des articulations. Elles ont nécessité 75 interventions médicales sur le court et 143 échographies.
En médecine générale, les médecins ont enregistré 36 consultations en ORL, 15 en digestif. Des chiffres stables d’une année sur l’autre.
Pour autant, les praticiens mobilisés à Roland-Garros ne risquent pas d’être gagnés par l’esprit routinier, fussent-ils rompus à la manoeuvre, comme le Dr Montalvan, qui collabore à la FFT depuis 1987 et qui est médecin fédéral depuis six ans. La pression qui s’exerce lors d’un tel niveau de compétition de grand chelem est intense. «Il faut en particulier être capable de réagir dans l’urgence, avec la nécessité de délivrer un diagnostic et un pronostic dans les trois heures qui suivent la survenue d’un problème, explique-t-il. Les enjeux médicaux et sportifs sont énormes, car il faut savoir impérativement chaque soir qui est ou n’est pas en état de jouer le lendemain.»
De 2 700 à 3 000 spectateurs pris en charge à chaque tournoi.
Si, à la tête de l’équipe de sécurité urgentiste, le Dr Daniel Boulanger n’est pas soumis à ce type de contrainte, cet hospitalier de 45 ans, PH à Beaumont-sur-Oise et directeur médical adjoint d’Europe Assistance, n’est pas moins soumis à un sérieux stress, lui et les 7 médecins et 11 infirmières qui constituent son équipe. «En deux semaines, nous prenons en charge entre 2700 et 3000 personnes, dans l’une des trois antennes médicales dont nous disposons, avec, présents dans chacune, de huit heures du matin à dix heures du soir, un médecin urgentiste et deux infirmières. Cela représente une centaine d’actes quotidiens, dont beaucoup sont liés à la saisonnalité, avec la chaleur et les insectes.»
De mémoire d’urgentiste de Roland-Garros, on n’a jamais enregistré de décès parmi les spectateurs, mais les accidents coronariens et autres hémorragies méningées nécessitent des délais d’intervention très courts. Entre 50 et 70 personnes doivent être évacuées vers Ambroise-Paré. Une ligne directe est installée avec le Samu Necker de Paris, l’établissement boulonnais ne disposant pas d’unité Smur. Mais les antennes sont équipées des moyens de réanimation qui permettent d’entuber et de ventiler les patients en cas de détresse vitale.
Chaque soir, le Dr Boulanger prend connaissance de l’avis de Météo France, dont la fiabilité prédictive est vérifiée. Car « si, comme l’an dernier, le thermomètre passe la barre des 35degrés, les spectateurs se mettent à tomber comme des mouches. Les victimes de coup de chaleur sont refroidis avec des poches à glace et des brumisateurs. Préventivement, des échantillons de crème solaire sont distribués. L’an dernier, il s’en est consommé plus de 50kilos».
Un autre service vit enfin des heures particulièrement sportives lors des Internationaux de Roland-Garros : celui de la trentaine de kinés qui, sous la houlette de Christophe Ceccaldi, 41 ans, collaborateur à plein-temps de la FFT, reçoit, également dès huit heures du matin et jusque tard le soir, deux heures après le dernier match, sans rendez-vous, tous les joueurs qui souhaitent bénéficier d’une séance d’échauffement (557, l’an dernier) ou de récupération (1 074). «A peu près tous et toutes passent par l’une de nos quatre salles en quittant le court. Avec certains, des liens se sont créés, année après année, et les conversations avant ou après match roulent sur tous les sujets, tous, excepté le tennis.»
A ces prises en charge classiques (réoxygénation, réhydration...) s’ajoutent les soins spécifiques après des lésions traumatiques, 477 en 2005, 198 pour des membres supérieurs, 114 pour des membres inférieurs, 140 pour le tronc et 25 pour la peau (ampoules).
La plupart des membres de l’armada médicale et paramédicale de Roland-Garros se sont programmés des vacances à partir du 12 juin. Tous disent ce mélange d’excitation et d’appréhension qu’ils éprouvent. Et qu’ils partagent «dans la même passion, en vivant des moments d’exception à tout point de vue», assure le Dr Montalvan.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature