PARCE QU' «on a tous en nous quelque chose de Marilyn», c'est à partir de l'observation de l'image de Marilyn Monroe, de ses dépendances, de sa recherche vaine de liberté absolue que le Pr Michel Lejoyeux commence son ouvrage. Pour nous montrer que la libération ne peut venir que d'un travail sur soi et d'un changement d'habitudes, de croyances ou d'idées. Ecartelés entre surconsommation et principe de précaution, nous avons perdu notre liberté. Dépendances au stress, au pessimisme, à l'alcool, au tabac, au jeu, à l'argent pour ne citer que celles-là, la liste des addictions est infinie.
L'auteur a longuement évoqué, dans ses précédents ouvrages, nos dépendances à l'information (« Guérir des névroses médiatiques »), au jeu, aux achats, voire à la peur de la maladie (« Vaincre sa peur de la maladie »), quelques-unes des formes modernes de l'esclavage. D'autant plus difficiles à contrôler qu'elles ne sont pas toujours évidentes à repérer. En effet, même s'il n'est pas toujours aussi beau que l'héroïne de « Certains l'aiment chaud », le drogué moderne peut être parfaitement photogénique tant les dépendances modernes peuvent avancer masquées. Marilyn, la première, avait perdu sa liberté, troquée contre sa dépendance aux somnifères et à l'alcool, tout en gardant sa dignité et son élégance. On peut d'autant plus souffrir de dépendance sans en rien laisser transparaître que tout nous y incite, en premier lieu notre dépendance à l'image ! Et les types de dépendances changent avec le monde ; les adolescents préfèrent le cannabis et les alcools forts au vin, les timides, Internet, tandis que le drogué des soldes délaissera son travail et videra son compte en banque de manière irrépressible. «Les anxieux d'aujourd'hui ressemblent à Marilyn dans leur besoin de remplacer une drogue par une autre», explique le Pr Lejoyeux.
Il ne saurait être question toutefois de qualifier de dépendance tout et n'importe quoi. Notre dépendance à l'oxygène n'est pas plus une addiction que toute passion un peu envahissante ! Il existe des définitions classiques de la dépendance qui nous permettent de distinguer les toxicomanies en puissance des goûts, fussent-ils un peu prononcés. Sinon, le danger est double, dit l'auteur. «Méconnaître une dépendance met en danger la liberté. Il est par exemple dangereux de laisser évoluer une consommation excessive d'alcool.» Mais, à l'inverse, considérer comme addiction toute passion entrave aussi la liberté.
Favoriser la motivation.
Dans le domaine des addictions, il a longtemps été de bon ton de ne pas intervenir avant que le sujet ne le demande. Les thérapies de motivation ont modifié cette façon de faire : il est aujourd'hui classique de suggérer à un sujet de s'arrêter de fumer et de lui proposer de l'aider à en avoir envie. A la fois parce qu'il y a un plus grand danger à laisser un dépendant du tabac continuer à s'intoxiquer qu'à commencer à le soigner et parce qu'il apparaît de plus en plus incontestable que l'absence de demande est un indice de la relation de sujétion. Les patients parlent d'abord de leur tristesse, de leurs troubles du sommeil, de leurs angoisses avant d'évoquer leurs dépendances, comme s'il allait de soi que celles-ci étaient secondaires à ceux-là : «Il leur faut du temps pour accepter de reconnaître leurs véritables chaînes et commencer à en parler et sont souvent étonnés quand j'aborde avec eux ces questions», souligne le psychiatre.
Pourtant, c'est d'abord en rompant le pacte du silence et de la honte qui entourent ces questions que l'on
peut donner à chacun la possibilité de s'affranchir, affirme-t-il. L'usage de toxiques ou les comportements dangereux ne sont pas, ou pas seulement, des symptômes masquant une souffrance plus noble. Leur usage nous emprisonne, et c'est d'abord à ces barreaux qu'il faut s'attaquer pour recouvrer notre liberté. Liberté dont nous avons tout intérêt à choisir les formes plutôt que nous laisser dominer par les modèles du prêt-à-penser que notre monde nous propose.
Loin d'encourager les privations et l'absence de fantaisie, le programme de Michel Lejoyeux est à sa façon assez anticonformiste, puisqu'il nous suggère de ne pas tomber dans les pièges du prêt-à-penser. Pour nous exercer au repérage puis au sevrage de nos servitudes, le livre propose des échelles d'évaluation de nos addictions avant de passer aux exercices d'application et à la description des stratégies éprouvées, capables de nous libérer de nos servitudes.
« Du plaisir à la dépendance - Nouvelles Addictions, nouvelles thérapies », du Pr Michel Lejoyeux, Éditions de la Martinière, 320 pages, 18,90 euros.
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