OÙ SE SITUE le berceau de la grippe aviaire H5N1 ? C’est pour répondre à cette question que des virologues chinois – l’équipe de J.M. Peiris et Y. Guan, qui s’est déjà brillamment illustrée au moment du sras – ont procédé à une analyse épidémiologique et phylogénétique des virus H5N1 humains et animaux hautement pathogènes. Le premier spécimen viral de ce type a été détecté chez des oies en 1996 dans la région du Guangdong, au sud de la Chine. Dans les années qui ont suivi, le virus a été retrouvé à plusieurs reprises à la fois chez des oiseaux migrateurs, dans des élevages de volailles et, à plus de cent reprises, chez l’homme (depuis 2003) dans la quasi-totalité des pays asiatiques et, plus récemment, en Europe.
Les auteurs ont procédé, dans un premier temps, à une analyse virologique de 13 115 prélèvements du cloaque ou de selles effectués durant trois hivers (2002-2005) dans deux lacs du sud de la Chine où migrent des oiseaux sauvages (lac Mai Po Marshes, nouveaux territoires de Hong Kong et lac Poyan, région du Jiangxi). Un virus influenza A a été détecté dans 0,34 % des spécimens analysés. Six souches H5N1 hautement pathogènes ont été détectées chez des canards sains juste avant leur migration vers le nord. Il semblerait donc que ces animaux aient pu transmettre le virus au cours de leur déplacement, ce qui permettrait de lier de façon formelle les cas survenus en Europe à ceux du sud de la Chine.
Depuis 2000, un réseau de surveillance a été mis en place dans les élevages et les marchés à la volaille de cette région. Sur les 51 121 prélèvements analysés, 512 sont revenus positifs pour le virus H5N1, et 3 051 pour les autres types de virus N1 (H3, H6, H9 et H11). Depuis le 1er janvier 2004, dans les marchés des quatre régions du sud de la Chine, 1,8 % des canards, 1,9 % des oies, 0,26 % des poulets et 0,46 % des autres volailles sont porteurs du virus H5N1.
Des oiseaux migrateurs aux animaux d’élevage.
L’analyse sérologique effectuée chez 1 092 canards sauvages en apparence sains a par ailleurs permis de préciser que 3,1 % de ces animaux sont porteurs d’anticorps neutralisants anti-H5N1 et 4,3 % d’anticorps anti-H5N2 (souche peu pathogène).
Pour les auteurs, «une infection par le virus H5N2 pourrait permettre de protéger partiellement les animaux contre le virus H5N1».
Les virologues chinois de Hong Kong ont ensuite infecté de façon expérimentale des canards domestiques avec du virus H5N1 prélevé chez les canards sauvages apparemment sains : 13 des 18 canards ont survécu plus de trois jours ; 12 d’entre eux ont excrété du virus jusqu’à sept jours après l’infection, ce qui fait écrire au Dr Guan que, «puisque le virus des canards sauvages n’est pas systématiquement mortel pour les animaux domestiques, il est fort probable que le virus soit passé des oiseaux migrateurs aux oiseaux d’élevage et se soit ensuite multiplié localement du fait de l’excrétion active de virus».
Cette hypothèse a été ensuite confortée par l’analyse phylogénétique de 69 virus isolés en Chine et 59 en Indonésie, en Malaisie et au Vietnam entre 2003 et 2005. Le lien entre les virus du sud de l’Asie et les virus chinois a pu être établi formellement à partir de l’analyse des gènes NP, NA et de certains segments des 8 gènes internes du virus. Ainsi, des virus strictement semblables (H5N1 génotype Z) ont pu être détectés à 1 700 kilomètres d’intervalle. Cette donnée va, elle aussi, dans le sens d’une dissémination du H5N1 par les oiseaux migrateurs.
Un nouveau génotype en cours de dissémination.
Enfin, les auteurs signalent qu’un nouveau génotype serait en cours de dissémination en Chine et au Vietnam. Il s’agit du génotype G qui proviendrait d’un réassortiment des gènes internes de virus de génotype Z et W. Le potentiel infectant de ce nouveau génotype n’est pas encore connu. Enfin, la proportion de virus H5N1 porteurs de mutation de résistance à l’amantadine reste très limitée et aucun virus porteur de mutation de virulence accrue n’a été détecté dans cette étude.
« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
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