DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
PRÉSENTÉE en juillet dernier par la Commission européenne, la future directive sur l'organisation transfrontalière des soins donnera aux patients comme aux professionnels un cadre précis pour soigner ou être soigné par un praticien dans un autre pays que le leur, tout en étant pris en charge dans les mêmes conditions financières que dans leur pays d'origine : un Français soigné par un médecin allemand – ou l'inverse – sera donc remboursé du montant qu'il aurait payé chez lui.
Les soins ambulatoires dispensés à l'étranger ne seront pas soumis à une autorisation préalable du pays d'origine, sauf s'ils le sont aussi dans ce pays. En revanche, tous les séjours hospitaliers, hors urgence bien sûr, devront être autorisés par le pays d'origine du patient, afin d'éviter une « fuite » vers des pays pour des seules raisons de convenance personnelle. La directive prévoit en outre un système d'information pour les patients et met en place des mesures de contrôle de qualité pour les soignants.
Annoncée de longue date, cette directive a une valeur autant symbolique que pratique. Elle ne devrait toutefois concerner qu'environ 1 % des patients, l'immense majorité d'entre eux, montrent toutes les études, préférant être soignés chez eux ou n'ayant tout simplement pas l'occasion d'aller à l'étranger. Hors vacances ou déplacement professionnels, on voit mal en effet un patient auvergnat confier régulièrement sa santé à un praticien bavarois ou sicilien…
Selon la Commission, le texte pourrait être transmis d'ici à cet hiver au Parlement européen, lequel doit encore en débattre avant de l'adopter. John Bowis, ancien ministre de la Santé britannique aujourd'hui député européen, en sera le rapporteur à Strasbourg…, mais pense que le vote ne pourra intervenir avant les prochaines élections européennes de juin.
Que devient le médecin traitant ?
Malgré ses efforts de clarification, le texte pose encore de nombreuses questions pratiques, comme l'a montré un débat organisé entre la Commission et les principales associations de professionnels de santé lors du Forum européen de la santé qui vient de se tenir à Gastein, en Autriche. Ainsi, lorsque le pays d'origine du patient exige un passage préalable chez le généraliste pour accéder au spécialiste, cette règle sera maintenue si le patient va à l'étranger. En clair, un Britannique qui voudrait consulter un cardiologue français devra en parler à son « GP » d'origine, et un Français qui consulterait un urologue à Athènes, sans y avoir été invité par son médecin traitant, sera considéré comme « hors parcours de soins »… En pratique, tout cela risque de devenir vite compliqué, surtout si les médecins doivent s'écrire les uns aux autres à travers tout le continent. La Commission, pour le moment, n'a pas de réponse précise à cette question, qui devra toutefois être résolue lors des transcriptions du texte dans les législations nationales.
Plus grave, car plus dangereux qu'une simple question de remboursement, le problème de la qualité et de la certification des médecins se pose : comme le rappelaient à Gastein les responsables de plusieurs organismes d'assurance-maladie, «si un malade va voir un médecin à l'étranger, et que nous exigeons chez nous des contrôles de qualité, ils nous sera impossible de savoir si le médecin étranger respecte vraiment les mêmes critères». Au-delà du risque éventuel pour le malade, certaines caisses se demandent si elles prendront en charge les soins effectués à l'étranger par tous les médecins, ou seulement ceux prodigués par des médecins dont elles seront sûres des compétences. Certes, la directive prévoit la mise en place de nombreux systèmes de contrôle et de « monitorage », le tout dans la transparence, mais il faudra bien s'assurer de leur efficacité et de leur faisabilité, estiment les professionnels du secteur.
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