DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
DANS UN CLIMAT de crise larvée du PS sur fond de guerre de succession, l'atelier Santé-Sécu qui s'est tenu lors de l'université d'été à La Rochelle a offert aux responsables socialistes un rare moment d'oecuménisme.
Seule fausse note : initialement programmé dans la salle plénière, ce débat a été délocalisé dans une salle secondaire, occasionnant quelques commentaires ironiques sur la place de cette thématique à la périphérie du projet socialiste.
Pendant trois heures, devant 200 militants attentifs, les principaux experts santé du parti ont mis de côté les combinaisons d'appareils pour dénoncer en choeur les «attaques» contre le pacte social de 1945 et tenter, mission plus difficile, de dessiner une alternative crédible.
C'est une femme qui a planté les premières banderilles. «En concentrant le débat sur le financement, la droite libérale organise le dépérissement de notre protection sociale avec des réponses très injustesfranchises, déremboursements– mais aussi inefficaces», a tonné Marisol Touraine, députée PS d'Indre-et-Loire sous les applaudissements. La secrétaire nationale à la Solidarité récuse la présentation piège d'une gauche «laxiste, dépensière, arc-boutée sur un modèle dépassé» quand la droite incarnerait les réformes et l'efficacité.À l'heureoù les inégalités «se creusent», elle exhorte le PS «non pas à défendre le statu quo, mais à adapter son projet sans renoncer au modèle de solidarité collective».
Devant les militants, chacun y est allé de son couplet anti-Sarko. Debout et voix grave, l'expérimenté Jean Le Garrec, ancien ministre désigné monsieur « retraites » du PS, estime qu'il y a bien «rupture totale» avec… le programme du Conseil national de la Résistance qui avait jeté les bases de la Sécu à la française. Le Dr Claude Pigement, responsable national santé du parti, met en garde les militants : «L'automne sera chaud et je ne parle pas seulement de notre congrès...» Il explique que le gouvernement «a multiplié les ballons d'essai pour organiser le transfert du régime obligatoire vers les complémentaires et les ménages». Pour lui, le «dépeçage» est en marche.
Pas en reste, le député de Paris, Jean-Marie Le Guen, président du conseil d'administration de l'AP-HP, fustige la «politique de déconstruction» de la droite et le «clientélisme» à l'égard «du corps médical, de l'industrie pharmaceutique et des cliniques».
Garantir le capital santé de chaque Français.
Si les critiques roulent aisément faute de contradictions, le PS a plus de difficultés pour exposer un début de projet alternatif précis, au grand dam des militants qui voudraient dès maintenant une feuille de route lisible et offensive (lire encadré). Une contribution transcourants sur la santé a certes été rédigée en prévision du congrès de Reims (« le Quotidien » du 27 juin), mais ce document de quelques pages ne constitue pas un viatique pour les adhérents.
À La Rochelle, les experts santé du PS ont souvent défendu des idées fortes, mais en ordre dispersé et sans que l'on sache si elles auront l'onction du parti. L'ancien ministre socialiste de la Santé Claude Évin, président de la Fédération hospitalière de France (FHF) propose trois axes autour desquels pourrait s'articuler un projet : le renforcement de la démocratie sanitaire; la création d'un «service public de santé impliquant la médecine ambulatoire» avec des obligations sur les honoraires, l'installation ou l'exercice ( «Je ne propose pas de nationaliser les cliniques, mais on pourrait au moins être vigilant sur les fonds de pension», glisse-t-il largement applaudi) ; enfin, une réforme de la gouvernance avec pilotage unifié de l'organisation territoriale de la santé et du financement.
Pour Jean-Marie Le Guen, la santé devra constituer un «pilier» du projet socialiste. Ce n'était pas le cas lors de la dernière élection présidentielle. «Nous devons repenser toute l'organisation de notre système de santé qui doit prévenir et pas seulement réparer. Il faut garantir à chaque Français un capital santé géré tout au long de sa vie.» Sur la médecine de ville, le propos du député de Paris ne s'encombre guère de nuances. L'État régulateur est convoqué etJean-Marie Le Guen recommande carrément de «tourner une page de la médecine libérale».
Comment ? Le Dr Claude Pigement lève le voile. La liberté d'installation ? Il faudra des «mesures plus dissuasives» en cas d'échec des incitations. L'exercice ? Priorité aux modes «pluridisciplinaires» pour organiser la médecine de demain( «Bachelot propose 100maisons de santé, nous on dit 500…). La rémunération des médecins ? Il faudra développer les «forfaits et le salariat». Jérôme Cahuzac, chirurgien, député PS de Lot-et-Garonne et spécialiste du financement, va plus loin. «Pourquoi récuser la capitation (paiement des médecins au forfait par patient suivi) ? Je propose d'y réfléchir». Quant aux dépassements, ils sont dans le viseur du PS. L'heure est venue de «fixer un terme au secteurII», lit-on dans la contribution pour le congrès de Reims .
Les militants sont parfois désorientés. Quel est le fil conducteur ? Michel Yahiel, auteur de rapports remarqués sur la santé, synthétise : «Ce qui nous guide, c'est l'idée de garanties sociales individuelles et collectives autour du principe de solidarité que la droite ne cesse de détricoter…»
Impatients, les adhérents voudraient plus de concret
À dix semaines du congrès de Reims qui choisira le successeur de François Hollande, les militants, lassés des querelles de personnes, voudraient que leurs leaders «parlent du fond» aux Français . C'est particulièrement vrai sur les questions de santé et de protection sociale.S'ils reconnaissent que certaines idées sont prometteuses (le service public de santé cher à Claude Évin, par exemple), beaucoup se désolent que le PS soit «inaudible». Plusieurs d'entre eux estiment que le temps presse. «Vous ne parlez pas des maisons de retraite!», lance un militant d'Orange. «Que faîtes-vous sur la dépendance, le cinquième risque», questionne un autre. «Et la thématique environnementale?», s'inquiète un troisième.
Ce PH de Nanterre juge que « il n'y a pas de ligne claire. Je vous écoute, mais je ne sais pas qui détient la position officielle du parti, c'est ennuyeux». Pour ce généraliste, ex-MG-France, «il faut expliquer que le gouvernement dérembourse le moyen risque, et que c'est grave...». Certains se montrent sévères. «Le Parti est trop absent sur la Sécu. Dans les fédés, on n'a pas de billes, pas de documents. Face aux militants, on est souvent démunis.»
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