Quelques jours après les images de l'effondrement des Twin Towers de New York, les Toulousains ont été pris dans un vent de panique. La très violente explosion, vraisemblablement d'origine accidentelle, qui a secoué vendredi matin l'usine pétrochimique AZF, dans la banlieue sud, a mis la ville sens dessus dessous. « Nous avons reçu de nombreux appels de patients affolés, explique au « Quotidien » le Dr Francis Alquier, médecin généraliste du centre de Toulouse. Le souffle a été très violent. Il a été ressenti dans toute l'agglomération. C'était apocalyptique. »
Peu après le drame, le Premier ministre est venu constater les dégâts sur place et a été rejoint par le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner. A peine rentré des Etats-Unis, Jacques Chirac s'est également déplacé. Le centre régional d'information et de coordination routières (CRIR) a élargi le périmètre de sécurité autoroutier autour de Toulouse à 30 kilomètres.
« L'explosion a fait d'énormes dégâts, confirme le Dr Pasquier. Il y a eu beaucoup de blessés par éclats de verre, dans tous les quartiers. Les médecins libéraux ont assuré l'urgence de proximité mais nous avons eu un gros problème de liaison téléphonique. » Les hôpitaux ont été pris d'assaut. Le CHU de Toulouse, l'hôpital de Rangueil, a subi l'effet de blast, ainsi que celui de Purpan. Des blessés plutôt légers y ont été recensés, à l'exception de lésions oculaires. Les trois hôpitaux des armées de Paris, Bordeaux et Lyon ont été mis en alerte pour « accueillir les blessés, notamment les grands brûlés ». Les moyens aériens militaires basés dans la région toulousaine ont contribué à l'évacuation des blessés. De son côté, la mairie de Toulouse a lancé un appel aux médecins psychiatres et psychologues afin d'organiser une cellule de soutien et d'accompagnement psychologiques.
De nombreux Toulousains se sont plaints de picotements et de brûlures à la gorge, alors qu'un important nuage de fumée, succédant à l'explosion de l'usine, enveloppait la cité rose. Selon l'observatoire régional de l'air en Midi-Pyrénées, ce nuage contiendrait « plusieurs polluants dont du gaz ammoniac » mais il ne présenterait pas de « toxicité avérée », précise la préfecture de la Haute-Garonne. L'usine pétrochimique AZF de Toulouse est une filiale d'Elf Atochem spécialisée dans la fabrication d'engrais. Cette unité produit de l'ammoniac transformé en nitrate d'ammonium, utilisé pour les engrais. La capacité de production du site en ammoniac et en urée s'élève, pour les deux produits, à 400 000 tonnes par an. Une légère fuite d'ammoniac liquide avait déjà été constatée dans cette usine, le 28 mars 1998, et avait répandu une forte odeur dans une partie de l'agglomération toulousaine.
« J'habite à trois ou quatre kilomètres du lieu où vient de se produire l'explosion, témoigne l'épouse du Dr Pierre Bitoun. Quand je suis sortie de chez moi, vendredi matin, l'air était jaune et orange. On aurait dit un filtre. » Tandis que son mari ramassait les morceaux de verre qui jonchent le sol de son cabinet, Mme Bitoun rassurait les patients au téléphone. Dehors, les sirènes des ambulances et des voitures de pompiers ne cessaient pas de hurler. « J'ai essayé d'inciter les gens à rester chez eux et à éviter les allées et venues. Moi aussi je sentais mes yeux piquer, raconte-t-elle. J'avais la gorge âcre. D'après ce que nous avons entendu, le nuage ne serait pas toxique. S'il ne contient que de l'ammoniac, ce n'est en effet pas très grave. Mais les autorités nous ont dit qu'elles poursuivaient les enquêtes. »
Déjà des problèmes de sécurité
L'usine pétrochimique AZF fait partie des 400 sites industriels français (dits Seveso) qui présentent des risques importants pour l'environnement en cas d'accident. Or, la semaine précédant l'explosion, des experts ergonomes sollicités par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHST) de l'usine avaient « recueilli des témoignages alarmants » sur les conditions de sécurité de l'établissement. Le CHST avait sollicité l'avis des experts du cabinet Eretra, agréé par le ministère de l'Emploi lors d'une délibération du 20 juin dernier, afin de modifier le plan d'organisation interne. La fédération FO-Chimie a confirmé que ses élus au sein de l'usine AZF de Toulouse avaient fait part de leurs « difficultés » pour obtenir les effectifs nécessaires pour assurer la sécurité des installations. Selon le secrétaire général de la fédération, Michel Decayeux, une partie de la main-d'uvre assurant la sécurité des installations est par ailleurs « sous-traitée et ne bénéficie pas d'une formation suffisante ». L'explosion de vendredi dernier a fait dire à Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'Industrie, qu'il « faut revoir la conception de ce type de site ».
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