Face au risque médico-légal

Toujours être en mesure de justifier ses choix

Publié le 08/12/2011
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Crédit photo : S TOUBON

SUR UN PLAN médico-légal, un cardiologue interventionnel doit-il se conformer strictement, dans sa pratique, aux indications de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) ou aux recommandations des autorités sanitaires ? « Dans certaines situations spécifiques, le praticien garde une certaine marge de manœuvre s’il estime qu’il en va de l’intérêt de son patient. Mais il faut surtout qu’il soit toujours en capacité de justifier, avec des arguments scientifiques solides, ses choix thérapeutiques », répond le Dr Cédric Gaultier, cardiologue interventionnel à l’hôpital européen de la Roseraie (Aubervilliers) et médecin-conseil du Sou-Médical-MACSF.

Aujourd’hui, en matière d’angioplastie coronarienne, le document de référence des autorités sanitaires est la fiche de « Bon usage des technologies de santé (BUTS) » publiée en octobre 2009 par la Haute Autorité de santé (HAS) et remise à jour en février 2010. Cette fiche fait état d’un « bénéfice confirmé mais limité » des stents actifs par rapport aux stents nus. « Par rapport aux stents nus, les stents actifs apportent une diminution du taux de resténoses et de gestes de nouvelle revascularisation mais sans modification des décès ou des infarctus du myocarde », souligne la HAS en relevant le fait qu’une bithérapie antiagrégante est indispensable mais présente des risques. « Le patient doit être maintenu sous bithérapie antiagrégante (clopidogrel-aspirine) durant au moins un an pour éviter un surrisque de thrombose de stent. Cette bithérapie antiagrégante aggrave le risque hémorragique en cas d’intervention chirurgicale. La pose d’un stent actif n’est pas recommandée si une chirurgie hémorragique est programmée », indique la HAS, en ajoutant qu’une consultation pluridisciplinaire est nécessaire si une chirurgie hémorragique apparaît indiquée chez un patient porteur de stent actif.

Pour la HAS, il faut réserver les stents actifs à des patients sélectionnés. « Les risques liés à la bithérapie antiagrégante prolongée associée aux stents actifs conduisent à leur préférer dans de nombreux cas les stents nus, qui ne nécessitent qu’un traitement antiagrégant beaucoup plus bref », indique la HAS, soulignant que les stents actifs n’ont d’intérêt que chez des patients sélectionnés : en cas de lésions monotronculaires à haut risque de resténose (lésions› 15 mm, diamètre du vaisseau atteint ‹ 3 mm, diabète) ; ou en cas de première resténose intrastent d’un stent nu, d’occlusion coronaire totale, de sténose du tronc commun gauche non protégé ou de lésions pluritronculaires à haut risque de resténose, lorsque l’angioplastie est préférée au pontage après discussion médico-chirurgicale.

« Sur le plan médico-légal, cette fiche donne les grandes lignes de l’utilisation des stents actifs », indique le Dr Gaultier, en insistant sur un point important : celui concernant le risque hémorragique. « Le texte de la HAS rappelle la nécessité, en cas d’utilisation d’un stent actif, de délivrer un traitement associant du clopidogrel et de l’aspirine pendant au moins un an. Mais ce schéma thérapeutique prolongé expose à une augmentation du risque hémorragique, ce qui peut poser des problèmes si le patient est amené à subir une intervention chirurgicale. Face à certaines chirurgies, en particulier la neurochirurgie ou la chirurgie de la prostate, on peut être amené à discuter d’un arrêt temporaire des antiagrégants plaquettaires. Mais cet arrêt du traitement expose à un risque de thrombose des stents. Il y a donc une évaluation du rapport bénéfice/risque qui doit être faite de manière approfondie ».

Pour le Dr Gaultier, le suivi scrupuleux de ces recommandations peut être un argument de défense pour un cardiologue interventionnel en litige avec un patient ou avec la famille d’un patient. « Il pourra alors faire valoir que sa pratique s’est appuyée sur ces recommandations qui, même si elles ont pu être discutées au départ par les sociétés savantes, font quand même autorité aujourd’hui. Il existe toutefois des situations thérapeutiques spécifiques où le cardiologue interventionnel peut faire le choix de s’écarter un peu de ce texte ou des indications de l’AMM quand il estime que ce choix est justifié par l’intérêt du patient. Il faut alors que le praticien soit en mesure de justifier sa position, notamment en s’appuyant sur des articles publiés dans la littérature scientifique. S’il n’est pas en mesure de le faire, on pourra lui dire qu’il s’est situé dans une sorte de médecine expérimentale », indique le Dr Gaultier.

Selon lui, le nombre de dossiers de contentieux liés à la pose d’un stent actif restent aujourd’hui relativement peu nombreux. « Les accidents se situent plutôt dans le gestion des antiagrégants plaquettaires. Il faut que le cardiologue interventionnel et le cardiologue traitant fassent bien attention à la gestion de ce traitement : à partir du moment où ce traitement est mis en place, il faut expliquer de manière précise au patient la nécessité de le poursuivre pendant toute la durée indiquée et de ne pas interrompre ce traitement sans l’avis du cardiologue. C’est une information essentielle qui doit être communiquée au patient mais aussi à l’ensemble de ses médecins, en particulier le généraliste », indique le Dr Gaultier, en citant le cas d’un dossier concernant un patient qui, à la suite d’une angioplastie, est sorti sans ordonnance d’antiagrégant plaquettaire. « Il a fait une thrombose de stent quelque temps après et on a fait le reproche à son médecin de ne pas avoir marqué le traitement sur l’ordonnance mais aussi de ne pas avoir informé le patient du caractère impératif du traitement ».

D’après un entretien avec le Dr Cédric Gaultier, cardiologue interventionnel à l’hôpital européen de la Roseraie (Aubervilliers) et médecin-conseil du Sou-Médical-MACSF.

 ANTOINE DALAT

Source : Bilan spécialistes