Toujours de l'audace ?

Publié le 09/09/2002
Article réservé aux abonnés
1276300133F_Img97704.jpg

1276300133F_Img97704.jpg

Le gouvernement ne s'est pas contenté, ces jours derniers, de reprendre en main une communication cacophonique. Il a réaffirmé, contre tout réalisme apparent, les principes qui le guident depuis la campagne électorale et annoncé des mesures directement inspirées par sa doctrine.

Au chapitre du SMIC, par exemple, Jean-Pierre Raffarin a d'abord refusé de lui donner en juillet le « coup de pouce » annuel. En revanche, dès le début de ce mois-ci, et après avoir consulté les organisations syndicales, François Fillon, le ministre des Affaires sociales, a confirmé qu'une réforme destinée à harmoniser les divers SMIC serait appliquée et qu'elle se traduirait par une augmentation de 10 % d'ici à 2004, ce qui explique par ailleurs la colère du patronat.

Croissance : projections contradictoires

Vendredi dernier, M. Raffain n'en a pas moins répété que son premier souci concernait le renforcement des PME, qui seront pourtant les premières à encaisser le choc de la hausse du SMIC. Il compte sur la baisse des charges sociales, dont l'Etat assumera une partie. Mais où le Premier ministre croit-il qu'il trouvera les fonds pour financer cette mesure ?
Réponse de Jean-François Copé, porte-parole du gouvernement : d'abord la croissance de cette année n'est pas nulle (l'INSEE dit qu'elle sera inférieure à 1,4 % pour l'ensemble de 2002, mais M. Copé affirme qu'au deuxième semestre elle sera sur la pente des 2 %) et, l'année prochaine, le taux de croissance « sera au moins deux fois supérieur à celui de 2002 ».
Même si Bush fait la guerre contre l'Irak et que le prix du baril monte à 40 dollars ? L'essentiel n'est pas là aux yeux du gouvernement Raffarin qui veut faire oublier ses conflits de tendance internes en exposant sa sérénité aux Français. Non seulement les impôts seront de nouveau abaissés en 2003, mais leur réduction sera de 7 %, on en fait courir le bruit en tout cas. Et le déficit budgétaire, alors ?
Même si M. Raffarin a fini par se fâcher, même s'il a mis un terme aux déclarations contradictoires de ses ministres, même s'il unifie le discours gouvernemental par des propos péremptoires, il ne faut pas être sorcier pour deviner qu'il a un mal fou à boucler son budget pour 2003 ; de même, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PFLSS) représente la quadrature du siècle.
Bien entendu, la France ne peut pas ignorer ses engagements européens, ce qui limite sa marge de manœuvre à un filet extrêmement mince ; mais, de toute façon, le projet de dépenses budgétaires est en hausse, fortement pour la justice, la police, la défense et l'enseignement, beaucoup moins pour les autres secteurs.
En matière de santé, un ONDAM plus réaliste implique une hausse considérable par rapport à cette année. Une réduction des charges sociales assumée partiellement par l'Etat se traduira par une hausse des dépenses au titre du ministère que dirige M. Fillon. Or les recettes ne rentrent pas dans les caisses, quoi que dise M. Copé du taux de croissance.

Le choix du déficit ?

L'observateur le plus impartial a donc l'impression que M. Raffarin tire des plans sur la comète ou, plus probablement, qu'il a intégré dans sa démarche un déficit budgétaire en hausse. Ce n'est pas nécessairement un péché cardinal, mais alors, il faut que le gouvernement le dise. La minute de vérité arrivera avec l'adoption du projet de budget par le conseil des ministres. On saura alors avec précision les choix qui auront été faits.
Il n'est pas déplaisant que M. Raffarin confirme la ligne politique pour laquelle il a été placé au pouvoir. C'est la moindre des honnêtetés et le Premier ministre est assurément un honnête homme. Il n'en marche pas moins sur une ligne de crête où le moindre accident conjoncturel le précipiterait dans l'abîme.
Il dit aussi qu'il poursuit assidûment le dialogue avec les syndicats de travailleurs. Par exemple, M. Fillon prendra un décret pour l'harmonisation du SMIC et l'augmentation (de 130 à 180 par an) du nombre des heures supplémentaires, mais qu'il laissera la porte ouverte à la négociation sur les modalités d'application. Le ministre sait toutefois que les syndicats fourbissent leurs armes et que des grèves sont évoquées sous forme de litote ou de sous-entendu par FO et la CGT.
Bref, tous les périls menacent une politique socio-économique qui vient d'être confirmée non sans panache par le chef du gouvernement. Un peu comme s'il avait son secret, une méthode ou une tactique auxquels personne n'avait pensé avant lui.
En fait, il est plus probable qu'un déficit budgétaire plus élevé que celui de cette année sera adopté. Que la France en négociera les modalités avec ses partenaires européens. Et que, comme du temps des socialistes, on compte sur un avenir meilleur pour soigner un présent difficile.
La France n'est pas seule au monde. Non seulement, elle ne peut pas répudier les critères européens, mais elle est très dépendante des marchés financiers et du prix du pétrole. M. Raffarin ne peut même pas vendre les actifs considérables que l'Etat possède dans les sociétés nationales. Alors que les marchés continuent de s'effrondrer, la vente des entreprises relevant du secteur public serait une braderie. Il faut donc attendre que les cours remontent. Pour qu'ils remontent, il faut que l'économie américaine se porte mieux (le taux de chômage a très légèrement diminué, de 0,2 % en août aux Etats-Unis) ; mais si la croissance arrive, alors, c'est vrai, le déficit de 2003 sera moins lourd.

Richard LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7173