J’ai été très touché par la lecture de l’article « Quand le médecin devient malade » (« le Quotidien » du 23 février). Il est rare de lire des articles de ce type. Au total, bien sûr, est rendu hommage à toutes les améliorations techniques dont a bénéficié la médecine depuis plusieurs années mais, en dernier ressort, et cela est très réconfortant, c’est le facteur humain qui tient la place essentielle. En tant que médecin du travail, j’ai été très sensible au contenu du dernier paragraphe à propos des constatations d’un médecin du travail sur les conditions de travail dans les chaînes de préparation de volailles. Merci au « Quotidien du Médecin » d’avoir publié un article aussi « profond ».
J’en appelle à Monsieur Leonetti
M. X est en fin de vie à 90 ans avec un cancer de prostate évolué, une coronarite et une insuffisance cardiaque, une démence vasculaire après des accidents vasculaires cérébraux. Il a décidé de finir sa vie à domicile.
Nous sommes au stade de soins palliatifs, la conscience s’altère et son épouse par deux fois a cru au décès après des épisodes comitiaux, sans mouvements, mais avec une phase stertoreuse, anxiogène. L’héparine est stoppée, de même la perfusion sous-cutanée de sérum salé. Le patch de scopolamine est mis en place et celui de morphinique laissé. Se pose la question de l’administration de midazolam.
J’évoque l’intervention de l’HAD car le produit n’est disponible qu’en milieu hospitalier. En concertation avec son fils, l’épouse refuse l’HAD car l’intervention du SIAD est bien stabilisée, les équipes connaissent le malade et la confiance réciproque est établie. L’épouse évoque la venue de l’HAD par le passé avec un personnel plus nombreux et l’impression d’avoir des inconnus assez souvent. Elle préfère aussi garder son infirmière libérale à qui elle a donné sa confiance voici longtemps.
Un samedi soir alors qu’un épisode convulsif s’est produit je contacte le service de soins palliatifs pour obtenir deux ampoules de midazolam. L’infirmière de permanence demande son accord à l’infirmière cadre qui m’envoie vers la pharmacienne de garde qui à 22 h 30 m’invite à attendre le lendemain l’ordonnance du praticien hospitalier. Le lendemain l’ampoule passe en sous cutané avec une poche de sérum 500. Le midazolam est instauré en relais de l’oxygène qui n’est plus utile. Le lundi je reprends contact avec la pharmacienne de l’hôpital qui m’avance 14 ampoules et qui reprend contact avec le praticien de soins palliatifs. Changement d’attitude alors du praticien hospitalier qui, affirmant ne pas voir le malade et compte tenu du caractère strictement hospitalier du produit souhaité, demande que je rende les ampoules à l’exception d’une, pour le jour en cours. La pharmacienne passe à mon cabinet reprendre les ampoules inutilisées de midazolam. De la discussion avec le praticien hospitalier, nous tombons d’accord pour contacter une consœur du centre de cancérologie qui accepte de passer à domicile et délivre les ampoules dites sur le compte du centre.
Nous avons en ambulatoire à disposition de la morphine injectable, du diazépam injectable, produits biens plus délicats dans leurs posologies, aussi est-il incompréhensible de ne pouvoir disposer du midazolam (et de patch de scopolamine remboursable) !
La famille apprécie l’utilité de la molécule. Nous évoquons la régularité du débit du produit et elle accepte une seringue électrique pour sécuriser le débit du midazolam, seringue obtenue par le prestataire de la pharmacie de ville.
Le mercredi alors que l’infirmière libérale fait les soins avec l’aide de l’épouse, le malade rend son ultime souffle dans un climat apaisé.
Les soins palliatifs à domicile ne sont possibles que grâce à l’aide de l’entourage et en cas inverse nous sommes amenés à hospitaliser le malade.
Cette question survient aussi en EHPAD où il faut hospitaliser la personne pour accéder aux produits alors que l’environnement soignant est présent ; pour quels coûts alors en humanité et pour les deniers de la république ?
Alors qu’une loi est en discussion à l’assemblée nationale à propos de la sédation en fin de vie, je me pose la question du cadre réglementaire du midazolam.
Des culs contre les cons !
Il est quand même paradoxal qu’en ces temps de sanglante intolérance, un ministre de la République, ou ses portes voix, fasse le procès de caricatures peintes pour des internes en médecine dans une salle de garde d’un de nos hôpitaux. Le virus le plus dangereux de l’époque pourrait bien être son nouveau moralisme asphyxiant. Les dictatures du jour, ne sont pas seulement religieuses, mais laïques. Elles trempent dans les crèmes du féminisme, de l’écologie, du « bien pensant » bobeauf qui tournent les cœurs dans une indigestion de leçons de conduite et de postures. Chers internes, au nom du ciel, peignez des culs contre les cons.
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