Demain JEUDI, l’Assemblée nationale doit examiner un projet de loi «portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament».
Figurent dans ce texte un certain nombre d’articles, comme celui qui propose des «exonérations de responsabilité en cas de prescription ou d’administration d’un médicament sur recommandation ou exigence du ministre de la Santé en cas de menace sanitaire grave».
Mais c’est surtout une disposition contenue dans l’article 29 du même projet de loi qui fait couler beaucoup d’encre, d’autant qu’elle ne constitue pas une adaptation à la France du droit communautaire, mais seulement une initiative gouvernementale.
Cette disposition propose d’autoriser le gouvernement «à prendre par ordonnance les dispositions (...) pour régir les actions d’accompagnement des patients soumis à des traitements médicamenteux, conduites par les établissements pharmaceutiques, et définir les conditions de leur contrôle par l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) ». Actuellement, ce suivi par les laboratoires pharmaceutiques n’est autorisé qu’au coup par coup, comme récemment pour le traitement de l’ostéoporose par le tériparatide commercialisé par le laboratoire Lilly. Mais le projet de loi pourrait, selon ses détracteurs, permettre aux laboratoires de multiplier ces pratiques.
Au Leem (Les Entreprises du médicament), on se veut rassurant et on assure que cette disposition n’a pour but que d’encadrer des pratiques déjà existantes et non de les multiplier. On ajoute que la décision de mener ces actions d’accompagnement restera du ressort de l’Afssaps qui sera seule compétente pour en décider.
Juge et partie.
Pour le Dr Didier Ménard, président du Syndicat de la médecine générale (SMG), «ce projet est inacceptable car il permettrait une pression sur les patients, assimilable à de la publicité, celle-ci étant pourtant interdite par les droits français et européen, lorsqu’il s’agit de médicaments de prescription». Plus généralement, Didier Ménard ne voit pas comment un laboratoire pharmaceutique, «qui a pour but de vendre son propre médicament, peut être juge et partie, tout en prétendant au rôle de conseiller indépendant». Si bien que le SMG appelle l’ensemble des citoyens, des élus et des professionnels du soin, à mener une réflexion et une concertation sur les besoins en matière d’information sur la santé, ainsi que sur la mise en place d’une politique globale «au service de la santé des citoyens et indépendante des firmes pharmaceutiques». Mêmes réticences chez MG-France qui souligne que l’adoption du texte en l’état constituerait «une grave entorse au principe du parcours de soins mis en place par le législateur». Le dispositif du parcours de soins est en effet centré sur le médecin traitant qui organise le parcours de soins «dans un souci de qualité sanitaire», poursuit Martial Olivier-Koehret, président de MG-France, qui «s’inquiète des risques pour les malades dont le suivi thérapeutique serait effectué par un tiers, sans retour d’informations au médecin traitant, et sans prise en compte de tous les éléments personnalisés ayant abouti au choix thérapeutique».
Du souci à se faire.
A la FMF (Fédération des médecins de France), on préfère manier l’ironie et le Dr Jean-Paul Hamon, président de la branche généraliste de la FMF s’interroge à haute voix : «Entre l’autorisation qui va être donnée aux laboratoires pour mettre en place des programmes de suivi de l’observance, et l’autorisation qui leur a été donnée précédemment d’ouvrir des officines pour gérer l’évaluation des pratiques professionnelles, les médecins ont du souci à se faire. L’industrie devrait aussi prendre directement en charge la rémunération des médecins. Ainsi, la boucle serait bouclée.»
A l’Unof (Union nationale des omnipraticiens de France), le président Combier n’est guère plus optimiste : «Quel est le but poursuivi par le gouvernement dans cette affaire? Aider le médecin traitant? J’en doute. Ce rôle que le gouvernement veut donner aux labos est précisément celui du médecin traitant. Le projet n’aurait de sens que si le suivi était coordonné par le médecin traitant lui-même.»
Quant au collectif Europe et Médicament auquel appartiennent notamment la Mutualité française et UFC-Que choisir, il estime que «par définition, les firmes pharmaceutiques ne sont pas en situation de faire de l’information comparative fiable sur les maladies et les traitements. Comment imaginer qu’une firme soit en mesure d’expliquer à un patient qu’il devrait arrêter son traitement ou en changer pour prendre une spécialité commercialisée par un concurrent? »
A l’Assemblée nationale, on indique que le projet de loi est examiné aujourd’hui-même en commission et sera discuté par les députés demain matin.
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