Syndicats de médecins et de salariés, mutuelles, associations, politiques... ont été nombreux à dénoncer une restriction de l'accès aux soins des plus démunis après que le Parlement eut voté en décembre des dispositions relatives d'une part à l'aide médicale d'Etat (AME) et d'autre part à la couverture maladie universelle (CMU).
Qu'ont décidé, exactement, les parlementaires ? Le 16 décembre, tout d'abord, les sénateurs ont voté une mesure qui met fin à la gratuité des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière dans le cadre de l'AME. Jusqu'à présent, sous condition de ressources (moins de 562 euros par mois pour une personne seule), l'AME prenait intégralement en charge les soins prodigués dans un établissement de santé, ainsi que, dans certains cas, les soins de ville. Désormais, sauf pour les femmes enceintes, les mineurs et les personnes souffrant d'affections de longue durée, un ticket modérateur est institué pour les dépenses de médecine de ville, ainsi qu'un forfait hospitalier pour les frais d'hospitalisation, le montant des avances de frais variant avec les ressources. Une mesure dictée, expliquent les pouvoirs publics, par le souci de responsabiliser les patients et de lutter contre les fraudes, mais qui répond aussi à des objectifs économiques - en trois ans, le coût annuel de l'AME, réformée en 2000, est passé de 50 à 500 millions d'euros.
En ce qui concerne la CMU, c'est la loi de Finances 2003, adoptée définitivement le 18 décembre, qui a légèrement changé la donne en obligeant les caisses d'assurance-maladie à différer l'ouverture des droits « au premier jour du mois qui suit la décision d'attribution » et non plus immédiatement.
« Humainement inacceptable »
AME, CMU : deux petits textes d'aménagement qui ont provoqué un tollé. « Ces mesures discriminatoires pour l'accès aux soins sont inacceptables sur le plan médical et aberrantes en termes de santé publique », tempête le Syndicat de la médecine générale (SMG). MG-France estime, pour sa part, que la création d'un ticket modérateur pour les soins dispensés en ville aux personnes relevant de l'AME va provoquer « un retard de prise en charge des soins, imposant de traiter des situations plus graves ». Plus dures encore dans le choix des mots, la Mutualité française et la CFDT évoquent des mesures « humainement inacceptables ». A ce qualificatif, la Fédération des mutuelles de France ajoute pour l'AME celui de « socialement absurde ». Elle souligne que la réforme « remet en cause le devoir de faciliter l'accès aux soins des plus démunis ». Elle précise que repousser l'ouverture des droits à la CMU est en contradiction avec l'un des principes fondateurs de la loi qui l'a instaurée : « L'immédiateté des droits à l'assurance-maladie et à la couverture complémentaire. » La CFDT n'y va pas par quatre chemins, qui demande au gouvernement de « ne pas mettre en uvre » l'aménagement de l'AME. Même message du collectif La santé n'est pas une marchandise, qui regroupe des membres d'ATTAC, du Parti communiste, de SUD Santé-Sociaux, de la CGT... : ces mesures, affirme le collectif, « sont contraires à l'esprit de la loi sur la CMU qui devait permettre un accès aux soins pour tous ; elles constituent une remise en cause du droit de la protection de la santé, garanti à tous dans le préambule de la Constitution de 1946 ». Quant à Médecins du Monde (MDM), qui avait été parmi les premiers à monter au créneau (« le Quotidien » du 18 décembre), il revient à la charge en lançant une pétition pour protester contre les deux décisions des parlementaires. Il s'agit, explique l'association, d'une « pétition pour un retour à l'accès immédiat à des soins médicaux sans avance de frais pour les plus démunis ».
Face à ce feu nourri de critiques, le gouvernement, par la voix de la secrétaire d'Etat à la Lutte contre la précarité et l'exclusion, Dominique Versini, temporise. L'aménagement de l'AME « ne sera applicable que lorsque le Premier ministre aura signé un décret d'application, et il m'a chargée de rencontrer toutes les associations pour mettre en place les dispositions de ce décret », affirme la ministre.
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