La stratégie nationale de santé n’a donc pas pour vocation de restructurer le système de soins. Son objectif est d’abord pratique, améliorer la vie quotidienne des Français, quitte à mécontenter certains professionnels libéraux. Mais l’hôpital n’est pas l’oublié de la réforme. Il est aussi visé par la Cour des Comptes, comme le principal responsable du déficit de l’assurance maladie. Faut-il une nouvelle fois soigner l’hôpital ?
Enfin, une réforme positive qui ne provoque pas de rejet spontané, ou entraîne les Français à descendre dans la rue. La stratégie nationale de santé dévoilée le 19 juin dernier relève davantage du patchwork que du grand soir. Dans une France morose qui ne croit plus à la politique traditionnelle, l'objectif serait de tisser ensemble des mesures qui ne coûtent rien ou presque et fassent « impression ». Ce cousu-main devrait séduire tous les Français, à l’exception des experts qui espéraient davantage d’audace. « Les deux sujets prioritaires, le déficit du système de protection sociale et la réduction des inégalités en matière de prise en charge ne sont pas évoquées dans ce projet. Sur le sujet de la généralisation du tiers payant, cela fige la rénovation de la nomenclature et tout accord sur le contenu du panier de soins », lâche Jean de Kersvadoué.
Que des bonnes nouvelles
Quant au Haut Conseil de la santé publique, il a également exprimé ses réserves sur la méthode choisie par la ministre pour sélectionner les thématiques prioritaires. Ses recommandations sur la réduction des inégalités de santé ont été prises en compte dans le discours. D’autres professionnels comme les syndicats de médecins libéraux ont manifesté leur colère autour de la généralisation du tiers payant. Mais comment s’opposer à la prévention de l’obésité au sein des écoles ? Peut-on refuser la mise en oeuvre d’un label distinguant les aliments bons pour la santé ? En réponse aux déserts médicaux, la constitution d’un service territorial de santé qui doit corriger à terme le danger d’une médecine à deux vitesses selon le lieu d’habitation est une mesure consensuelle. Afin de répondre aux soins urgents, on n’osera pas s’opposer à la mise en place d’un numéro d’appel unique à trois chiffres dans chaque département. Même le dossier médical partagé serait (enfin) promis à un bel avenir. Il est désormais confié aux « bons soins » de l’assurance maladie.
La Cour des comptes appelle à la vigilance
Les mauvaises nouvelles attendront plus tard. La Cour des comptes pour ne pas casser l’ambiance avait publié ses recommandations deux jours plus tôt, le même jour où la stratégie nationale de santé devait être présentée, avant d’être décalée au 19 juin. La politique se résume-t-elle à de la simple gestion comptable ou médiatique destinée à gagner du temps face à l’opinion ? Alors que le déficit attendu de l’assurance maladie serait proche de 9,9 milliards d’euros pour le régime général, soit un montant plus élevé que prévu en raison de moindre recettes, selon les magistrats de la rue Cambon, l’hôpital est présenté comme le principal malade du système de soins. Avec un déficit estimé à 70 millions d’euros en 2013 selon les chiffres de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), une capacité d’autofinancement en régression (3,8 milliards d’euros), un endettement en progression mais à un rythme plus faible que les années précédentes, l’hôpital exigerait des soins urgents. L’ordonnance repose toutefois sur des recettes classiques avancées à de nombreuses reprises: développement de la chirurgie ambulatoire à marches forcées, restructuration et regroupement accéléré des établissements, « dégagement de gains d'efficience ». Les soignants s’étrangleront après avoir lu que les établissements « n’ont été soumis ces dernières années qu’à des contraintes d’économies relativement modestes ». Et de citer l’augmentation continue des personnels hospitaliers. Selon le rapport de la Cour des comptes entre 2002 et 2012, les effectifs des ministères se contractaient en moyenne de 3 % par an. Ceux de la fonction publique hospitalière progressaient de 1,5 %.
Dans ce bulletin de notes passablement mauvais, la Cour des comptes signale toutefois le ralentissement de l’endettement des hôpitaux limité à 0,9 milliard d’euros, contre 2,3 milliards d’euros en moyenne entre 2009 et 2012. Les magistrats mettent en avant la fin du programme Hôpital 2012. Mais ce résultat peut être mis au crédit du Copermo (Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers) annoncé en décembre 2012 et officiellement installé en juin 2013. Ce dispositif a pour mission de sélectionner les investissements hospitaliers relevant d’aides nationales et d’aider au retour à l’équilibre financier de certains établissements. L’État stratège entend désormais exercer ses prérogatives en priorité sur la gestion comptable, loin de toute révolution silencieuse ou non. Est-ce in fine un progrès?
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature