Le projet de loi de Marisol Touraine ne déroge pas aux mauvaises habitudes politiques.
La stratégie nationale de santé constitue-t-elle une refondation de la médecine ou est-elle une réforme politique de circonstance ? Elle est en tout cas décalée. Annoncée il y a plus d’un an, la possible loi Touraine connaîtra trois ans de gestation pour une succession de mesures de santé publique fort disparates. S’il est nécessaire de donner plus de place à la prévention, peut-on le faire sans calendrier précis et sans chiffrages économiques ? Or, le programme ne propose qu’un chapelet d’intentions, alors que le pays est frappé par une triple crise économique, politique et morale qui ne peut se passer d’un État sanitaire et social à la manœuvre. Tout paraît approximatif. Alors que le président et le Premier ministre tentent de mettre en place des mesures économiques, d’organisation territoriale et de simplification de la machine étatique, les mesures annoncées les évacuent et l’essentiel est renvoyé à des plans de financements de la Sécurité sociale qui ne sont, en réalité, que des dispositifs comptables que le gouvernement impose aux législateurs.
Or, le monde de la santé ne vit pas en apesanteur, sans lien avec la réalité économique et sociale du pays. L’absence d’études économiques sur les coûts et les bénéfices de l’emblématique tiers payant généralisé est une faute de gouvernance et un manque de maturité démocratique. La mesure fait fonction d’étendard pour la gauche à la peine et d’épouvantail pour les médecins libéraux à la traîne. En place dans de nombreux pays plus libéraux que le nôtre et la France ayant déjà un arsenal de dispositifs sociaux, le tiers payant ne mérite ni tant d’honneur ni tant de critiques. Une partie des médecins français entonnent le traditionnel procès d’étatisation, mais craignent surtout les contrôles de la Sécu. Ils auront du mal à rallier leurs malades à qui on promet des soins sans frais et sans reproches. Et à entraîner les jeunes médecins qui rêvent de forfaits et de salaires garantis.
Sauf que le pays raisonnable, face aux extrémismes, a plus besoin de rigueur que de symboles, d’unité que de divisions.
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