Face à la thrombophilie, il faut distinguer deux concepts différents, celui de facteur de risque et celui de maladie, afin d'éviter de porter abusivement un diagnostic, en sachant que certains facteurs de risque génétique sont très fréquents (le facteur V Leiden est présent chez 9 % des Alsaciens). En attendant des études cliniques précisant le traitement préventif de la MTEV maternelle (maladie thrombo-embolique veineuse) et de la pathologie vasculaire placentaire (PVP), qui regroupe un certain nombre de pathologies obstétricales corrélées à une anomalie de vascularisation du placenta (prééclampsie, éclampsie, hématome rétroplacentaire, une part importante des morts foetales in utero et des retards de croissance intra-utérins), il était important d'organiser une conférence de consensus permettant d'aboutir à des recommandations professionnelles françaises.
Le jury a proposé une définition clinico-biologique de la thrombophilie : antécédent personnel et/ou MTEV, particulière par le caractère récidivant des thromboses, ou leur survenue avant 45 ans, ou leur localisation inhabituelle autre que les membres inférieurs, avec la mise en évidence d'au moins un facteur génétique de risque bien identifié (déficits en antithrombine, protéine C, protéine S, facteur V Leiden ou facteur II 20210A).
En raison de données trop récentes et hétérogènes sur l'association entre certains facteurs biologiques héréditaires favorisant la MTEV et la PVP, le jury n'a pas retenu le concept d'une thrombophilie à expression obstétricale exclusive, même si cette hypothèse reste possible.
Quatre questions
La conférence de consensus avait pour objet de répondre à quatre questions :
1) Quels sont les facteurs de risque de la MTEV maternelle ?
Afin d'optimiser la prise en charge médicale des patientes, le jury définit une hiérarchie du niveau de risque de MTEV (majeur, élevé, modéré, faible) associé à la grossesse.
2) Quels sont le facteurs de risque de la PVP ?
Là encore, le jury a défini des groupes de patientes ayant un risque élevé ou un risque modéré de PVP, d'après les antécédents cliniques, le statut obstétrical et le statut biologique.
3) Quels examens complémentaires réaliser pour quelles patientes ?
Il n'est pas recommandé de faire un dépistage des facteurs de risque biologique de la MTEV et de la PVP chez toute femme enceinte. Les indications d'investigations biologiques sont posées chez les femmes à risque (identifiées à partir d'un interrogatoire complet avec si nécessaire établissement d'un arbre généalogique) s'il existe un contexte personnel ou familial (au 1er degré) de MTEV ou un contexte personnel de PVP sévère sans autre cause retrouvée.
4) Quels sont les moyens thérapeutiques, quelles patientes traiter et quelle information donner aux patientes ?
En cas d'une MTEV en cours de grossesse, un traitement anticoagulant curatif doit être instauré, par HNF (héparine non fractionnée) au 1er trimestre, car elle a fait la preuve de son innocuité foetale et néonatale, puis par HBPM aux 2e et 3e trimestres et poursuivi avec des AVK durant trois mois après l'accouchement. Pour les patientes ayant un risque élevé, une HBPM à doses préventives est indiquée à partir du 6e mois de la grossesse. Dans la PVP, un traitement préventif par aspirine à faible dose prescrit entre 12 et 35 SA est recommandé chez les patientes présentant un antécédent de PVP. Un traitement par HBPM peut être associé à l'aspirine si un risque de MTEV est associé à la PVP.
L'association aspirine-HBPM prescrite dès le début de grossesse a montré son efficacité dans la prévention du risque des pertes foetales précoces à répétition associées à des anticorps antiphospholipides. En revanche, un traitement préventif de la PVP en présence d'un facteur biologique mineur de thrombophilie, sans antécédent de PVP, n'est pas recommandé par le jury.
Conférence de presse avec la participations des Drs P. Dosquet (ANAES), Ph. Edelman (Paris) et le Pr C. d'Ercole (Marseille).
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