Thrombolyse : les enseignements de l'essai HERO-2 avec la bivalirudine

Publié le 02/12/2001
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L'héparine non fractionnée (HNF) est utilisée chez les patients qui reçoivent un traitement fibrinolytique pour infarctus du myocarde aigu.

La thrombine liée à la fibrine constitue donc un starter pour la formation d'un nouveau thrombus.
Etant donné que les inhibiteurs de la thrombine agissent à la fois sur la thrombine en phase liquide et sur la thrombine liée à la fibrine, on peut s'attendre à ce qu'ils réduisent plus efficacement que les HNF (dont l'action se fait principalement sur la phase liquide) les complications liées à l'infarctus après fibrinolyse.
La bivalirudine (Angiomax, précédemment connue sous le nom Hirulog) est un anticoagulant spécifique de la thrombine.
Dans l'étude HERO-1 (Hirulog and Early Reperfusion or Occlusion), angiographique, qui a porté sur 412 patients fibrinolysés par la streptokinase pour un infarctus avec élévation de ST, on a constaté que la bivalirudine permet d'obtenir un flux de grade TIMI 3 (TIMI : Thrombolysis In Myocardial Infarction) chez 48 % des patients contre 35 % des patients recevant une HNF, sans augmentation du taux de saignement. Il était donc intéressant de tester l'efficacité, à trente jours, de la bivalirudine sur la mortalité.
D'où l'essai international HERO-2, qui a été mis en place dans 539 hôpitaux de 46 pays. Pour la France, les investigateurs étaient : P. Cornaert, A. Furber, J.-P. Bassand, H. Perchet, D. Rondepierre, Y. Poncelin, R. Roudaut, A. Bonneau, R. Parisot et E. Dadez.
Plus de 17 000 patients vus au stade précoce d'un infarctus ont été inclus dans l'étude. Tous ont reçu de l'aspirine (de 150 à 325 mg). De façon randomisée, un groupe a reçu sous forme de bolus suivi d'une perfusion soit la bivalirudine, soit une héparine non fractionnée. La streptokinase (1,5 million d'unités en trente à soixante minutes) a été démarrée immédiatement après le bolus de l'antithrombotique. L'objectif primaire était la mortalité à trente jours. Les objectifs secondaires étaient la récidive de l'infarctus dans les 96 heures et les saignements. La survenue d'AVC et les récidives d'infarctus étaient appréciées par un comité indépendant qui ne savait pas quel traitement les patients avaient reçu.
Les résultats sont les suivants.
En ce qui concerne l'objectif primaire (mortalité à trente jours), 10,8 % du groupe bivalirudine et 10,9 % du groupe HNF sont décédés.

Moins de récidives d'infarctus dans les 96 heures

Il y a eu, de façon significative, moins de récidive d'infarctus dans les 96 heures dans le groupe bivalirudine que dans le groupe HNF (1,6 % contre 2,3 % ; OR : 0,70 ; p = 0,001). Des saignements sévères sont survenus chez 58 patients (0,7 %) du groupe bivalirudine et chez 40 (0,5 %) du groupe HNF ; une hémorragie cérébrale a été observée chez 47 patients du premier groupe et 32 du second (p = 0,09). Le taux de saignements modérés ou légers a été plus élevé dans le groupe bivalirudine. Des transfusions ont été administrées à 1,4 % des patients du groupe bivalirudine et 1,1 % des patients du groupe HNF.
« La bivalirudine n'a pas réduit la mortalité par rapport à l'héparine non fractionnée, mais elle a réduit de 30 % le taux de récidive d'infarctus dans les 96 heures. Une petite augmentation des saignements légers et modérés a été vue chez les patients sous bivalirudine. La bivalirudine est une nouvelle option de traitement anticoagulant chez les patients ayant un infarctus myocardique aigu, traités par streptokinase », concluent les auteurs.
Dans ce travail, la mortalité à trente jours (10,8 %) a été plus élevée que celle observée dans d'autres essais. A cela, plusieurs explications : les patients de HERO-2 étaient plus âgés ; il y avait davantage de femmes ; davantage de patients avaient un infarctus antérieur avec insuffisance cardiaque de classe III ou IV de Killip. De plus, le temps de randomisation a été plus long. Surtout si, dans HERO-2, on s'intéresse aux résultats des pays occidentaux, le taux de mortalité est de 6,7 %, ce qui est semblable aux taux vus dans d'autres essais.

Un résultat clé

« La réduction des récidives d'infarctus est un résultat clé de l'essai HERO-2 qui a des implications potentiellement importantes pour la pratique clinique », soulignent les auteurs. « Une récidive précoce après fibrinolyse, précisent-ils, est associée à une augmentation du risque ultérieur d'infarctus, d'insuffisance cardiaque et de décès ».

« Lancet » du 1er décembre 2001, pp. 1855-1863.

Dr Emmanuel de VIEL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7022