«NOUS AVONS constaté qu’une intervention de thérapie génique ciblant tous les muscles de l’organisme peut allonger considérablement la durée de vie et améliorer la fonction musculaire dans un modèle murin de dystrophie musculaire sévère», explique au « Quotidien » le Dr Jeffrey Chamberlain (université de Washington à Seattle), chercheur réputé qui a dirigé ce travail. «L’approche consiste à délivrer une version hautement miniaturisée du gène de la dystrophine, gène qui est défectueux dans le type le plus courant de dystrophie musculaire. Il est délivré au moyen d’une seule injection dans la circulation sanguine, en utilisant comme transporteur un vecteur dérivé d’un virus adéno-associé inactivé.»
«Au vu des résultats, la thérapie génique semble très prometteuse comme méthode pour traiter les dystrophies musculaires. Toutefois, les résultats doivent être élargis aux essais cliniques, un processus qui commence, annonce le chercheur. Les premiers essais évalueront la sécurité de la méthode et seront peu à peu élargis pour voir si la même méthode sera bénéfique pour les patients.»
La dystrophie musculaire de Duchenne, la plus sévère des myopathies de l’enfant, est une maladie héréditaire qui frappe un garçon sur trois mille cinq cents et se manifeste par une dégénérescence musculaire et un affaiblissement progressif. Elle est causée par une mutation du gène de la dystrophine, entraînant l’absence de cette protéine structurelle dans les fibres musculaires.
Les premières manifestations apparaissent entre 2 et 5 ans, puis l’atteinte musculaire progresse vers les muscles respiratoires et cardiaque, et aboutit au décès entre 20 et 30 ans.
Un gène trop gros pour être inséré dans un vecteur.
La thérapie génique soulève de grands espoirs thérapeutiques.
Le gène de la dystrophine est trop gros (2 millions de bases) pour pouvoir être inséré dans un vecteur. C’est pourquoi les chercheurs ont d’abord élaboré un « minigène » produisant une minidystrophine fonctionnelle.
Le Dr Jeffrey Chamberlain et son équipe décrivent, chez la souris, les résultats très prometteurs d’une thérapie génique systémique.
Les chercheurs ont utilisé pour véhiculer la thérapie génique la version de type 6 de l’adénovirus associé (AAV6), capable de réaliser une transduction dans le muscle squelettique de la souris.
La thérapie génique a été évaluée chez une souris doublement mutante atteinte d’une myopathie beaucoup plus sévère que la souris mdx qui sert traditionnellement de modèle pour la myopathie de Duchenne ; en effet, la souris mdx, déficiente en dystrophine, ne manifeste pas la sévère dystrophie observée chez l’homme, qui raccourcit de 75 % son espérance de vie, car il existerait chez elle une expression accrue compensatrice d’utrophine.
En revanche, la souris doublement mutante dans le gène de la dystrophine et celui de l’utrophine présente un affaiblissement musculaire progressif et, donc, meurt prématurément.
L’équipe a injecté le vecteur AAV6 recombinant portant le gène de la microdystrophine (rAAV6-microdystrophine) dans une veine de la queue des souris doublement mutantes un mois après leur naissance.
Diaphragme, coeur, muscles squelettiques.
Cette thérapie génique a pu restaurer l’expression de la dystrophine dans tous les muscles de la souris, pendant au moins un an.
Les souris traitées présentent une meilleure fonction des muscles du diaphragme, du muscle cardiaque et des muscles squelettiques, et conservent une mobilité normale, à la différence des souris non traitées.
Enfin, tandis que les souris non traitées décèdent à 20 semaines, toutes les souris traitées restent vivantes à 30 semaines, et leur taux de survie est encore de 80 % à 50 semaines. Les chercheurs n’ont constaté, chez les souris, aucun effet néfaste de la thérapie génique.
Gregorevic et coll., « Nature Medicine », 2 juillet 2006, doi : 10.1038/nm1439.
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