« Le théâtre, ça nous transcende... même si les problèmes ne s'arrêtent pas du jour au lendemain » : comme 16 autres patients des hôpitaux psychiatriques du Bas-Rhin, Yves Baumer, 38 ans, est monté samedi dernier sur les planches, au CHS d'Erstein. Costume-cravate et fleur à la boutonnière, le comédien amateur joue le rôle d'un amoureux dans « Chroniques. Des jours entiers, des nuits entières », une succession de saynètes tour à tour touchantes et amusantes, écrites par Xavier Durringer.
« Sur scène, je me donne à fond, je dépasse mes limites, je me libère », témoigne l'ancien agent des postes, qu'une dépression a contraint d'abandonner son activité professionnelle. « C'était il y a seize ans et, depuis, je n'ai jamais réussi à remettre les wagons sur les rails », témoigne le Strasbourgeois, qui se rend deux fois par semaine à l'hôpital de jour pour son traitement.
Sonya Oster, metteur en scène de la pièce, refuse de considérer ces comédiens comme des malades. « Je ne suis pas là pour faire du thérapeutique, sinon je ne fais rien de bon », prévient-elle. D'ailleurs, deux infirmières comptent au nombre des acteurs, sans que les spectateurs puissent clairement identifier qui est soigné, qui est soignant.
« J'ai autant le trac qu'eux », souligne Carole Pussacq, infirmière et actrice d'un jour, expliquant qu'elle a voulu endosser ce rôle pour être « l'égale » de ses patients.
« Certains m'ont étonnée. Ils ont appris leur texte sans difficulté particulière, alors que d'ordinaire ils ont des troubles de la mémoire importants », confie-t-elle. « Il se passe quelque chose pendant les répétitions. Il y a une rupture, les malades reprennent confiance en eux », ajoute-t-elle.
Une passerelle
Gérard Bedex, le directeur de l'établissement d'Erstein, voit dans l'arrivée du théâtre à l'hôpital une « passerelle » destinée à « resocialiser les patients » et à mettre définitivement fin aux idées reçues sur la médecine psychiatrique. « L'asile a vécu », proclame M. Bedex, qui a profité de la semaine d'information sur la santé mentale, du 8 au 13 octobre, pour tenter de dissiper les peurs que suscite encore la psychiatrie et rappeler qu'en matière de troubles mentaux, il faut « en parler tôt pour en parler à temps ».
Les patients qui participent à l'atelier théâtre, à raison de deux heures par semaine et de quatre journées de répétition avant la représentation, sont soignés en hôpital de jour, souvent depuis longtemps, et souffrent de pathologies relativement lourdes. « Ce sont souvent des personnes très isolées socialement, que la maladie a éloignées du monde du travail, précise M. Bedex. Le théâtre les ramène vers une vie plus classique, vers les autres. »« Bien sûr, ce n'est qu'une ouverture vers un mieux-être. Nous n'avons jamais prétendu que le théâtre pouvait guérir », observe le directeur. « Les médicaments nous sont utiles, acquiesce Yves Baumer, traité depuis de longues années par neuroleptiques, mais les applaudissements nous font sûrement plus debien que les médicaments. »
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