LA SYRIE PAIE son ambiguïté. Pressé par le gouvernement américain de contrôler sa frontière avec l'Irak, elle a donné des gages à Washington, notamment en lui remettant des combattants qui s'apprêtaient à se rendre en Irak. Mais elle en a laissé passer d'autres.
Il est probable que les réseaux terroristes, qu'ils soient dirigés ou non par Al-Qaïda, ont voulu la rappeler à l'ordre et lui intimer l'ordre de choisir son camp.
Ce qui apparaît en tout cas, après l'attentat de Damas, c'est qu'aucun pays arabe ou musulman n'est à l'abri. Les terroristes ont frappé le Pakistan, la Turquie, le Maroc, l'Arabie saoudite où ils sont nombreux et poursuivis sans relâche, la Jordanie, où un complot d'attentat chimique qui a été déjoué aurait pu faire 80 000 morts, selon les autorités jordaniennes.
La Syrie se retrouve donc dans le cas de figure de l'Arabie : elle a nourri dans son sein la vipère qui la mord aujourd'hui. Le défi lancé par Al-Qaïda et consorts est d'une audace incroyable : ils ne craignent pas d'attaquer de front des pays où ils auraient pu se satisfaire de la complaisance des régimes en place et où ils auraient trouvé des abris, des relais, les moyens de récupérer et de se réorganiser.
COMBATTRE LE TERRORISME PAR LA PRÉVENTION ET LA CONTRE-VIOLENCE
Entre le marteau et l'enclume.
La Syrie est mal préparée à ce nouveau danger. Elle craint la présence, désormais très proche, des forces américaines venues en Irak. Elle ne peut pas être davantage isolée et rejoindre sans réserve le camp des illuminés qui souhaitent y installer, comme dans le reste du monde arabe, un régime islamiste. Comme l'Irak de Saddam Hussein, la Syrie de Bachar-El-Assad est gouvernée par la branche syrienne du parti Baas, donc par des laïques plus proches du stalinisme que de l'islam.
Jusqu'à présent, il lui restait un allié puissant dans la région : l'Iran. Lequel mène une politique irakienne à peine différente de celle de la Syrie, faite à la fois d'hostilité aux Américains et de satisfaction consécutive à l'élimination de Saddam Hussein (à Damas, Saddam était haï pour des raisons de rivalité entre baassistes). Mais contrairement à la Syrie, Téhéran souhaite l'avènement d'une théocratie en Irak et n'est peut-être pas complètement étranger à l'attentat de mardi dernier. Dans l'affrontement entre l'imam chiite Moqtada Sadr et les Américains à Najaf, le rôle de l'Iran ne peut pas être exclu. Contrairement à Sadr, le grand ayatollah Ali Sistani ne veut pas que l'Irak soit gouverné par des religieux. Il tient seulement à protéger la majorité chiite d'Irak, qui n'a cessé d'être persécutée par Saddam Hussein. Les Etats-Unis s'efforcent d'ailleurs, en ce moment même, de neutraliser Sadr sans soulever la colère de Sistani. La tâche est infiniment compliquée parce que Najaf est une ville sainte chiite et que les forces de la coalition ne peuvent pas y conduire des combats meurtriers.
Une menace planétaire.
Ce tableau à la fois sinistre et complexe contient plusieurs leçons : le terrorisme islamiste est désormais partout, y compris dans les Etats qui l'ont parfois laissé agir avec complaisance. Il fait peser une menace qui, de l'Indonésie aux Amériques, s'étend sur presque toute la planète. Il est animé par une logique du désordre et de la violence, de sorte que son alibi religieux ne représente plus qu'une façade : détruire est sa vocation. Il s'agit de porter les coups les plus sérieux non seulement aux « infidèles », mais aux régimes musulmans qui n'auraient, avec l'islamisme terroriste, que des différences superficielles.
La deuxième leçon concerne la simultanéité des attaques, en Orient et en Occident, et la multiplicité des cibles. Ce qui laisse penser que de puissants moyens, en hommes et en matériels, sont mis au service de la cause intégriste. L'inlassable activité des services de renseignements, qui ont déjoué de graves attentats dans le monde entier, les deux guerres qui se déroulent en Afghanistan et en Irak, les résultats obtenus par la lutte antiterroriste (élimination ou arrestations) n'empêchent pas le mouvement de se développer et, surtout, de chercher à frapper un coup très spectaculaire, comme en Jordanie où on frémit à l'idée de ce qui aurait pu se produire.
Pas d'autre choix.
Bien entendu, l'argument de ceux qui pensent que l'invasion de l'Irak a contribué au développement du terrorisme n'est pas illogique ; mais il est plus vrai de dire que, s'il a encouragé des milliers de vocations supplémentaires, les moyens semblent inépuisables pour une recrudescence de la violence et que, même si l'Irak avait été laissé en paix, le nombre des attentats n'aurait pas diminué.
La troisième leçon est que nul n'étant à l'abri et le mouvement intégriste n'étant pas un Etat avec lequel il serait possible de passer des accords de non-belligérance, il n'y a pas d'autre choix que de le combattre, à la fois par la prévention qu'assurent les services de renseignements et de police (comme en Espagne où ils ont fait merveille) et par la contre-violence. Tout montre en effet que les pays visés par le terrorisme souffriraient encore plus s'ils laissaient transparaître la moindre complaisance. Quand on se souvient des attentats qui ont été commis et quand on imagine ceux auxquels le monde a échappé, aucun compromis n'est possible.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature