LA MEDECINE EN 2003
Les tableaux cliniques sont peu spécifiques, ou inhabituels en raison de l'importance de l'inoculum respiratoire. Les circonstances d'apparition (notion de contamination, cas similaires dans un délai court), la gravité du tableau et l'évolution rapide doivent alerter le clinicien. En effet, la précocité du traitement antibiotique est un élément essentiel du pronostic.
Le risque infectieux
De manière schématique, trois circonstances de découverte d'une atteinte infectieuse sont possibles et orientent le diagnostic : un syndrome infectieux respiratoire grave, un tableau respiratoire sévère avec signes extrapulmonaires parfois au premier plan et, enfin, une atteinte polyviscérale.
Un syndrome infectieux respiratoire grave dont les manifestations pulmonaires sont au premier plan doit faire évoquer en premier lieu le charbon. Il s'agit d'une zoonose sans transmission interhumaine. Elle est provoquée par un bacille à Gram positif, Bacillus anthracis. L'atteinte humaine se traduit en règle par une atteinte cutanée, la pustule maligne. En cas d'inhalation, après une incubation de un à cinq jours, parfois davantage, apparaît un syndrome pseudogrippal. Une petite amélioration clinique précède la seconde phase, d'apparition brutale. Elle comporte une détresse respiratoire avec stridor, en raison de la compression de la trachée par des adénopathies. La radiographie du thorax met en évidence un élargissement du médiastin, évocateur, et parfois une pleurésie.
En l'absence de traitement, le décès survient en moins de vingt-quatre heures dans 95 % des cas, par détresse respiratoire et septicémie avec atteinte méningée. La mise en évidence du bacille est possible à l'examen direct d'un prélèvement sanguin périphérique. Un diagnostic rapide par technique ElLISA permet de détecter la toxine circulante. Le traitement (fluoroquinolone par voie veineuse en première intention, doxycycline en deuxième intention) doit être prolongé deux mois par voie orale.
La tularémie, une autre zoonose, est responsable d'ulcérations cutanéo-muqueuses, d'une fièvre brutale et de signes respiratoires avec toux non productive. Le traitement s'appuie sur les quinolones ou les cyclines pendant quatorze jours. La ricine, toxine des grains de ricin, provoque un OAP sévère avec hémorragie et nécrose extensive, hémorragie digestive, insuffisance rénale rapidement progressive et parfois insuffisance hépatique. Le décès survient le plus souvent dans un tableau de défaillance multiviscérale avec SDRA. Le virus grippal pourrait aussi être utilisé comme agent biologique.
En cas de tableau respiratoire sévère avec signes extrapulmonaires au premier plan, il faut évoquer la peste, dont le bubon est évocateur s'il existe. La brucellose, l'entérotoxine B staphylococcique, la fièvre Q, la morve, la mélioïdose et les mycotoxines peuvent également être employées comme agents biologiques et provoquer des tableaux de cet ordre.
Enfin, les virus hémorragiques (Ebola, Marburg, Lassa, Crimée-Congo) et le botulisme génèrent des manifestations polyviscérales atteignant le poumon sans que celui-ci ne soit le siège d'une atteinte spécifique.
La nécessité d'un plan d'action permettant la mise en place d'une chaîne de secours adaptée au risque de bioterrorisme est clairement apparue en 2001. Le plan BIOTOX établit les principes de la lutte contre le risque biologique autour de quatre axes d'action principaux : la prévention, la surveillance, les procédures d'alerte et les interventions en cas de crise.
Le risque chimique
Les agressifs chimiques de guerre peuvent être utilisés à des fins terroristes comme ce fut le cas au Japon à Matsumoto en 1994 et à Tokyo en 1995, où des membres de la secte Aum Shinri Kyo utilisèrent un neurotoxique organophosphoré, le sarin. Le poumon constitue une cible privilégiée pour de nombreux toxiques, en raison de l'état gazeux de certains à température ambiante, de l'émission de vapeurs particulièrement agressives pour d'autres à l'état liquide, ou bien encore par la dispersion sous forme d'aérosol de produits solides dont la taille des particules permet une diffusion jusqu'au niveau des alvéoles pulmonaires. Parmi ces armes chimiques, le phosgène, agent suffocant responsable d'dème lésionnel souvent fatal, a été le plus utilisé au cours de la Première Guerre mondiale.
D'après un entretien avec les Pr Joël Guigay, Claude Renaudeau et Jean-Paul Perez (hôpital Percy, Clamart).
Le blast pulmonaire
Le blast désigne les lésions primaires et le syndrome clinique contemporain de l'interaction avec l'organisme de la seule « onde de choc » générée par une explosion. Le « vent » de l'explosion est responsable de blessures non spécifiques secondaires de type projectilaire et de lésions tertiaires par déplacement du corps. Les lésions quaternaires regroupent celles engendrées par l'effet thermique (brûlures) et celles par ensevelissement. Le blessé par explosion est donc potentiellement un blessé, blasté, brûlé (« BBB »). Le poumon est plus particulièrement exposé au blast du fait de son architecture complexe, à la fois aérienne, liquide et solide, mais, contrairement aux théories initiales, tous les organes du corps sont concernés par le blast. Le blast pulmonaire est une forme de contusion pulmonaire dont le mécanisme est particulier, la distribution des lésions relativement spécifique, les conséquences physiopathologiques et l'évolution identiques et l'épidémiologie méconnue. En pratique, les vraies questions sont de deux ordres : quelle est la part du blast dans l'insuffisance respiratoire aiguë d'un blessé par explosion ? Qu'est-ce qui différencie le traitement d'un blast pulmonaire d'une contusion pulmonaire chez un polyblessé ? En l'absence de traitement spécifique des lésions de blast, la prise en charge est globalement la même qu'en traumatologie conventionnelle, en privilégiant les modalités modernes de ventilation qui limitent le barotraumatisme et le volotraumatisme.
Dr G. Bo.
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