Même si le lien entre hypoglycémies sévères et mortalité vasculaire n’est pas démontré au-delà du lien statistique, il est néanmoins important de prendre en considération le caractère délétère de ces hypoglycémies surtout quand elles sont sévères et répétées. Et il conviendrait aussi de tenir compte, demain, du score calcique, coronaire et vasculaire des patients. Tels sont les quelques messages du congrès de l’ADA où ont été, de nouveau, analysés et discutés des données émanant de grands essais interventionnels (ACCORD, VADT, ORIGIN). « L’étude ACCORD comprenait des patients porteurs de diabète de type 2 pour partie d’entre eux à haut risque cardiovasculaire avec un bras intensifié qui visait 6 % d’HbA1c et un bras dit standard qui visait 7 à 7,9 %. En fait, bien avant la fin de l’étude, il a été enregistré une surmortalité globale et cardiovasculaire dans le bras intensifié et la responsabilité des épisodes hypoglycémiques fortement suspectée. Le lien statistique le plus évident a été la fréquence des hypoglycémies sévères et non l’abaissement de la valeur de l’HbA1c », explique le Pr Serge Halimi (CHU Grenoble), ancien président de la Société francophone du diabète (SFD).
Ce même constat d’un lien statistique entre hypoglycémies sévères et mortalité vasculaire a été retrouvé avec l’essai VADT qui concernait des patients mais tous à très haut risque cardiovasculaire dont environ 4 % en prévention secondaire. « Cette étude VADT reposait sur le même principe que l’étude ACCORD. Elle comparait deux cibles d’HbA1c différentes avec un bras intensifié qui a atteint en réalité 7 % d’HbA1c contre un bras standard autour de 8,5 %, sans bénéfice cardiovasculaire du bon contrôle glycémique après plus de 5 années de suivi », souligne le Pr Halimi. Mais il ajoute « Cette étude a néanmoins confirmé, de manière indéniable, que les hypoglycémies étaient le plus fort facteur prédictif de décès de cause cardiovasculaire. Bien plus que l’âge et le fait d’avoir déjà présenté des événements ».
Selon lui, les résultats présentés à l’ADA confirment la justesse des recommandations HAS ANSM de 2013 délivrées dans la foulée du « Statement » émis par les sociétés savantes américaine et européenne (ADA EASD). « Le premier message est que, même s’il ne s’agit que d’un lien statistique, il faut partir du principe que les hypoglycémies sont très probablement délétères, surtout quand elles sont sévères et répétées et ce quel que soit le niveau de contrôle glycémique, ainsi dans ACCORD ces hypoglycémies sévères ont aussi été fréquentes et liées à la surmortalité, ce n’est donc pas la cible d’HbA1c basse qui est en cause mais les hypoglycémies surtout sévères qui sont dangereuses » explique le Pr Halimi.
L’autre enseignement, notamment issu de l’étude VADT, est la relation entre l’ancienneté du diabète et les effets positifs ou négatifs d’un contrôle strict de la glycémie. « Le niveau d’HbA1c ne peut pas être un prêt-à-porter. Il faut adapter le traitement et ses objectifs aux caractéristiques du patient. Un contrôle strict chez un patient ayant un diabète récent aura plutôt un bénéfice cardiovasculaire tandis que, chez un patient avec un diabète ancien (au moins 12 à 13 années), ce bénéfice sera perdu. Plus le diabète du patient est ancien, plus l’effet d’un contrôle strict de la glycémie s’avère délétère. Ainsi, chez un patient âgé, fragile, avec des antécédents cardiovasculaires, avec une insuffisance rénale et un environnement difficile, il faut remonter l’objectif d’HbA1c entre 7 et 7,5 voire autour de 8 %, parfois davantage pour certains patients. En revanche, la situation est différente si le diabète est récent, si le patient n’est pas fragile et si on utilise des molécules à faible risque hypoglycémiant. Dans ce cas, on a intérêt à être entre 6,5 et 7 % voire moins de 6,5 % dans certains cas ».
L’étude VADT a aussi mis en évidence un autre point, un peu moins médiatisé : la forte corrélation entre le score calcique du patient et le risque délétère du contrôle glycémique. « Si le patient a un score calcique très faible, il n’y aura pas d’impact délétère d’un très bon contrôle glycémique. Au contraire, s’il a un score calcique élevé, il pourrait y avoir un effet délétère. De ce fait, on constate que le score calcique coronaire et vasculaire, va être un élément de plus intéressant à prendre en compte pour les diabétologues en lien avec les cardiologues ».
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