Symbole vivant de la désertification médicale depuis que « Paris Match » lui a consacré un double reportage à 30 ans d’intervalle, le Dr Georges Vieilledent revient dans un livre sur quarante décennies de vie passées à soigner les habitants de Saugues, bourg étape du chemin de St-Jacques-de-Compostelle posté en bordure du plateau de la Margeride, en Haute-Loire.
Parti à 73 ans, fin 2012, sans avoir trouvé de remplaçant, le généraliste raconte les 60 000 km annuels au volant de sa voiture, « cauchemar du médecin de campagne en cas de panne technique ou sèche », son rapport à « l’authentique tyran domestique » qu’était son téléphone, son adaptation forcée au monde paysan, « au rythme calqué sur celui des animaux ».
S’il consulte beaucoup, le Dr Vieilledent rend encore plus visite aux 7 000 habitants du plateau, disséminés dans 177 villages sur un rayon de 30 km. Le médecin a appris à ne pas se formaliser quand on lui demande d’examiner « au passage » un autre membre de la famille.
Après le rebouteux
Il doit faire face aux traditions et croyances locales et accepter de passer après le rebouteux, en dernier recours plutôt qu’en premier. Il en prend son parti et s’accorde des contradictions de cette « campagne catholique, très pudique, très fermée sur elle-même » qui l’adopte pourtant, lui, l’étranger. Les journées de travail durent 13 ou 14 heures. Le dimanche, jour de messe, il y a du passage à Saugues ; le cabinet est ouvert.
L’écriture du Dr Vieilledent dénote d’un altruisme rare, sacerdotal, sacrificiel. Le vieux médecin n’est ni marié, ni père. Sa dure carrière, il l’a vécue seul, épaulé d’une femme de ménage-secrétaire médicale-cuisinière. Le regret ne filtre à travers les lignes qu’au moment du départ à la retraite. Le Dr Vieilledent avait misé sur un « gars du pays » pour lui succéder, avec la complicité du maire, prêt à mettre la main au portefeuille. Le jeune médecin lui sera chipé par un confrère. « Trois ans à investir sur ce garçon, à parier la pérennité de mon cabinet médical sur lui pour rien », conclut le Dr Vieilledent, amer. Un témoignage éclairant sur la dure réalité de la médecine de campagne.
« Médecin de campagne, une vie », du Dr Georges Vieilledent, Calmann-Lévy, 248 pages, 17 euros, octobre 2014.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature