D. S. Les acteurs de la télémédecine se plaignent du manque de financement. La DGOS les renvoie à des problèmes d’organisation. Qui a raison ?
Yannick Motel. Les deux à la fois, même s’il faut rappeler que dans le numérique la DGOS n’est que l’une des composantes de la gouvernance publique. À ce sujet, l’an dernier, un inventaire des différentes instances avait recensé un empilement de près de 70 organismes. Bien que le problème ne réside pas que dans la gouvernance, le Premier ministre a demandé par une circulaire du 16 septembre à l’ensemble de ses ministres de mettre en place des simplifications dans l’organisation de l’État. Parmi les 1 200 agences existantes, certaines, entre autres dans le numérique, devront sans doute fusionner. Il y a d’ailleurs actuellement une certaine fébrilité dans les différents services de la puissance publique. Ce contexte n’aide pas à disposer d’une gouvernance sereine et équilibrée pour maintenir le cap.
D. S. Qu’en est-il des expérimentations actuellement menées en matière de financement de télémédecine ?
Y. M. L’article 36 de la LFSS 2013 prévoit des expérimentations de financement dans la télémédecine. Certes, neuf régions sont pressenties, mais cela peine à entrer dans le concret. La question fondamentale demeure : quel modèle économique ? Principal interlocuteur sur le sujet, l’assurance maladie ne brûle pas d’enthousiasme à l’idée de financer la télémédecine.
D. S. Alors la situation en France serait : « On a plein d’idées, mais on n’a pas d’argent ! » …
Y. M. C’est même pire que cela. En France, lorsqu’on lance des expérimentations l’évaluation pose souvent problème, sans laquelle on ne décide de rien après que le financement se soit tari. La situation est paradoxale. S’il faut bien sûr évaluer avant de généraliser, la volonté et les moyens manquent pour le faire rapidement dans des conditions satisfaisantes.
D. S. Quid du programme TSN (Territoires de santé numérique) lancé récemment par le Gouvernement, avec à la clef une enveloppe financière de 80 millions d’euros dans cinq régions expérimentatrices ?
Y. M. Le programme TSN, qui s’achèvera fin 2017, est intégré au Programme de santé numérique (PSN). Ce dernier constitue l’une des trois filières santé sur les 34 de la « Nouvelle France industrielle » lancée par Arnaud Montebourg. Parmi ces filières on trouve la santé numérique, les biotechnologies et les dispositifs médicaux innovants. Y figurent également le Cloud et l’Open Data. Emmanuel Macron, qui a remplacé Arnaud Montebourg, envisage de mutualiser la filière Santé numérique avec celles du Cloud et du Big Data. Dans ce contexte, l’annonce officielle de TSN qui devait être faite le 7 octobre pour les cinq régions retenues est reportée sine die. Au final TSN c’est cinq régions sur trois ans avec un déblocage des fonds par tranches. Le même modèle que les plans Hôpital 2007 et 2012, dont au final le bilan aura été plus que mitigé.
D. S. Malgré ce mille-feuille administratif, comment considérez-vous le potentiel économique des acteurs de la télémédecine ?
Y. M. Ce qui est paradoxal, c’est la conjugaison dans notre pays d’entreprises spécialisées, souvent PME innovantes tout à fait performantes, mais qui ne peuvent s’exprimer dans ce contexte délétère. Alors que nous disposons pourtant d’une indiscutable excellence médicale et d’un indéniable savoir-faire technologique, nous peinons pourtant à combiner ces trois éléments pour faire de la France un champion digital.
D. S. Qu’en est-il du DMP version 2 ?
Y. M. Officiellement, il est transmis à l’assurance maladie. Dans une édition récente du journal L’Opinion , l’ancien directeur de l’Asip santé, Jean-Yves Robin, observe que l’assurance maladie développe des outils, mais en oriente les usages pour son propre compte. Il est possible que le DMP reprenne un jour des couleurs, mais il n’est pas certain que cela soit pour des enjeux de stricte santé publique.
D. S. Mais alors dans ce tableau sombre que vous peignez, rien ne trouve grâce à vos yeux…
Y. M. Si, bien sûr. Nos relations entre organisations de prestataires spécialisés se renforcent. De même celles qui nous lient aux fédérations hospitalières, déjà courtoises, progressent vers un réel partenariat. Dans le domaine du numérique, cette alliance des acteurs de terrain spécialisés, que nous allons élargir, constitue un puissant levier pour accompagner les services de l’Etat. En donnant enfin au numérique de santé la place stratégique qu’il mérite.
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