Les acteurs de la filière télémédecine visent 1 million de patients télésuivis en 2020. Pour atteindre cet objectif ambitieux, ne faut-il pas s'appuyer d’abord sur ce qui fonctionne ?
Un cas d’école existe : le suivi à distance des personnes équipées de prothèses rythmiques cardiaques, à savoir les pacemakers ou défibrillateurs cardiaques implantables. Nous, patients plébiscitons la sécurité qu’apporte ce dispositif, qui enregistre et transmet à nos médecins les paramètres permettant de détecter plus tôt les anomalies et prévenir les aggravations. Nous apprécions la réduction du nombre de consultations à l’hôpital, coûteuses en temps, en fatigue, en arrêts de travail.
En dix ans d’existence, de nombreux travaux scientifiques ont validé l’intérêt médical de ce suivi. Une étude publiée dans la prestigieuse revue The Lancet en 2014 (1) montre qu’il réduit de plus de 50 % la mortalité à un an chez des patients insuffisants cardiaques. Selon une autre étude (2), française, la télésurveillance des défibrillateurs cardiaques implantables permet de générer une économie globale de 315 euros par an et par patient, soit une économie ramenée à la population totale des porteurs de défibrillateurs (60 000 en 2010) d’au moins 19 millions d’euros par an. Patient, médecin, système de santé : tout le monde est gagnant. Combien d’autres innovations médicales atteignent ce consensus sans peser pour autant sur les comptes de santé ?
Un stress supplémentaire
En dépit de ces solides arguments, le déploiement de cette pratique est bloqué et son avenir incertain. Un stress dont se passeraient bien des personnes qui affrontent au quotidien des maladies cardiaques.
Ce qui bloque est très clair : ni la rémunération des médecins n’est assurée, ni celle des industriels pour la prestation «technique» d’hébergement et transmission des données. Seule a été instaurée de manière transitoire une prise en charge du boîtier de transmission. Ce cadre inadapté entraîne un accès limité et donc inégalitaire des patients à cette solution de télémédecine. Seuls 38 000 sont suivis à distance sur 400 000 éligibles. Certains centres de cardiologie en France ont même décidé de réduire en 2015 leur activité de télémédecine. Ils estiment en effet ne pas avoir la visibilité, ni les ressources nécessaires, pour absorber la montée en charge de cette pratique dans de bonnes conditions de sécurité.
Si les blocages restants semblent dérisoires, ils enrayent toute la machine. Sans modèle économique viable, il est illusoire de penser que la filière française de télémédecine pourra décoller. Sortir de l’impasse Le slogan de la campagne lancée en début d’année par le ministère de la Santé et le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) n’est que trop vrai : « Déploiement de la télémédecine : tout se joue maintenant ». Ce qui se joue, pour permettre un accès élargi des patients français aux solutions de télémédecine, est essentiellement d’ordre administratif : le passage d’un mode de financement expérimental à un modèle économique viable. Faute de quoi elle restera une avancée marginale, alors même qu’elle répond à des enjeux majeurs : lutte contre les déserts médicaux, optimisation des coûts, accroissement de la sécurité des patients.
1) Hindricks G. Implant-based multiparameter telemonitoring of patients with heart failure (IN-TIME) : :a randomised controlled trial. The Lancet 2014 doi : :0.1016/S0140-6736(14)61176-4.
2) Guédon-Moreau L. Costs of remote monitoring vs. ambulatory follow-up of implanted cardioverter defibrillators in the randomized ECOST study. First published online : :10 March 2014.
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