Q UATRE sites isolés, représentatifs des divers problèmes logistiques du département de la Guyane, ont été retenus pour lancer ce projet pilote de télémédecine : Saint-Georges, Trois-sauts, Maripasoual et Antecum-Pata. Chacun d'eux va être équipé d'une station portable de télémédecine (SPT, voir encadré page 12). Ils seront reliés, via satellite, au site central positionné à la régulation du SAMU 973, au CHC (centre hospitalier de Cayenne), pour réaliser des diagnostics divers dans le domaine de la cytologie, de la dermatologie et de la cardiologie.
« L'apport pour ces quatre sites est immense, explique au « Quotidien » Robert Gutermann, le directeur du CHC, maître d'uvre de l'opération avec le Centre national d'études spatiales ; quand plusieurs jours en pirogue ou plusieurs heures en hélicoptère étaient nécessaires pour acheminer les prélèvements jusqu'à nos laboratoires, nous allons être en mesure de poser dans l'heure, en quasi-direct, des diagnostics aussi essentiels que celui du paludisme. »
L'affaire ne s'est pas faite en un jour. Il y a plus d'un an, déjà, la mission Guyane du CNES, en partenariat avec les socioprofessionnels et les acteurs du secteur de la santé publique guyanais, organisait un colloque qui en jetait les bases (« le Quotidien » du 14 avril 2000).
Et en octobre dernier, une démonstration de téléconsulation avait été menée à bien, à la demande du corps médical de Guyane, afin de vérifier le fonctionnement opérationnel et technique du système en milieu isolé et difficile (forêt pluviale tropicale, taux d'humidité élevé, difficulté de l'alimentation électrique...).
L'objectif, désormais, est que les six mois d'expérimentations qui commencent permettent de valider définitivement les protocoles médicaux de téléconsultation, l'utilisation de la valise de télémédecine, la vérification de sa robustesse.
Une plate-forme pour l'exportation
L'enjeu économique sera également pris en compte, en comparant sur pièce les coûts supportés par les SPT avec ceux d'intervention médicale de type traditionnel (évacuation par hélicoptère, notamment).
De façon générale, il s'agit de permettre aux autorités sanitaires et médicales de prendre des décisions rationnelles en terme de choix d'équipement du territoire pour les sites isolés.
« Il n'est pas douteux que nous décrocherons toutes les validations et qu'à l'issue de ces six mois nous étendrons les nouveaux équipements à l'ensemble du département », pronostique M. Gutermann.
Au-delà de la Guyane et de son territoire vaste comme le Portugal, la technologie française présente une plate-forme qui pourrait bien s'exporter dans les pays tropicaux. La télémédecine est enfin sur le point de trouver un immense champ d'application, alors que la télé-épidémiologie offre des enjeux tout aussi majeurs en termes de santé publique (voir encadré).
Lutter contre les maladies émergentes grâce à la télé-épidémiologie
En réalisant une modélisation des interactions entre climat, écologie et clinique épidémiologique, la télé-épidémiologie a l'ambition non seulement de prévoir les mesures à prendre en termes de prévention face à la progression de telle ou telle maladie émergente, mais aussi de préciser la dynamique géographique d'une épidémie.
A cette fin, les satellites assurent une veille épidémiologique. C'est déjà le cas en Afrique, avec la surveillance de la fièvre de la vallée du Rif, de part et d'autre du fleuve Sénégal ; en Amérique du Sud, avec celle de la dengue hémorragique, en Guyane et dans la partie Nord-Est du Brésil ; en Asie, avec celle du paludisme.
« Nous poursuivons simultanément deux objectifs, explique le Dr Antonio Guell, directeur des recherches médicales au CNES : le recueil des données et la conception de modèles mathématiques spécifiques. Les données épidémiologiques collectées sont à la fois humaines et animales (cas cliniques, sérodiagnostic, niveau de vaccination, désinfection des habitats, etc.). L'élaboration des modèles est obtenue, d'autre part, en fusionnant un certain nombre d'éléments : les données d'épidémiologie clinique humaine et animale ; les caractéristiques hydrologiques des zones sous surveillance ou zones à risque épidémique élevé ; les données satellitaires ; l'observation scientifique. »
De nombreux partenaires mettent en commun leurs moyens pour développer cette approche pluridisciplinaire. Parmi eux, l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), l'Ecole vétérinaire de Lyon, le CNRS, le CEA, l'Institut Pasteur, la direction générale de l'Armement et le ministère de la Recherche. Des accords de collaboration sont également passés avec des pays partenaires, comme le Sénégal. La mobilisation est à la mesure des énormes enjeux escomptés. Ni plus ni moins que la maîtrise des maladies émergentes.
La station portable de télémédecine (SPT)
Se présentant sous la forme d'une valise étanche et antichoc, la station portable de télémédecine (SPT) qui a été mise au point par le CNES pèse environ sept kilogrammes. Elle mesure 47 cm x 38,7 x 17, 5. Elle est équipée des dispositifs suivants :
- un enregistreur numérique ECG (1 et 12 dérivations) ;
- un appareil photo numérique avec possibilité d'adaptation sur un microscope pour un télédiagnostic d'anatomo-cytologie ou une lecture de lame en hématologie;
- un brassard de tension automatique;
- un oxymètre de pouls ;
- un thermomètre à capteur infrarouge ;
- un détecteur de glycémie ; - un PC portable associé à un système de transmission ; - un téléphone GSM ; - un GPS.
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