Comment en est-on arrivé là ? On ne le saura peut-être jamais.
Tout commence en juin 1999 : un homme de 29 ans se rend aux urgences de l'hôpital avec un tableau associant douleur du flanc droit, conjonctivite, anorexie, fièvre, frissons, soif et vomissements. Il a perdu 5 kg et il est en insuffisance rénale aiguë. Après traitement par corticoïdes, il quitte l'hôpital.
En octobre 1999, son père de 63 ans est hospitalisé avec le même tableau. Il est également en insuffisance rénale aiguë. Sa créatininémie est à 442 μmol/l (N : 60 à 120), sa calcémie à 3,82 mmol/l (N : 2,20-2,65), sa parathormonémie inférieure à 1 pmol/l (N : 1,3-7,6) ; sa 25(OH)-vitamine D à 1 555 nmol/l (N : 20-80) et son 1,25di(OH)D3 à 151 pmol/l (N : 30-140).
On rappelle le fils : on découvre le même profil biologique. On fait alors une biopsie rénale au père et au fils et l'on découvre une néphrocalcinose sévère. Ces similitudes suggèrent soit des anomalies génétiques, soit une maladie granulomateuse ; mais les résultats du 25(OH)D montrent qu'il s'agit d'une intoxication par la vitamine D. Or aucun des deux ne prend de supplément nutritionnel.
La corticothérapie est poursuivie chez le père et le fils.
En décembre 1999, le fils est réhospitalisé avec douleurs extrêmes, nausées et déshydratation. Son 1,25di(OH)D3 est à 266 pmol/l, sa calcémie à 4,39 mmol/l et son 25(OH)D à 3 700 nmol/l et la chromatographie montre un franc excès de vitamine D3.
On lui donne de l'hydrocortisone par voie I.V., du phosphate de sodium et de l'acide pamidronique.
On analyse des aliments présents à la maison, y compris le sucre, puisque le fils s'est senti mal en décembre après avoir bu du thé sucré. On découvre que 1 g de sucre contient 21,4 mg de vitamine D3. Quand on dissout le sucre dans l'eau, on voit flotter de longs cristaux blancs de vitamine D3. Une deuxième analyse du sucre est faite en janvier 2000 : il contient 3,2 mg de vitamine D3 par gramme. En retenant une moyenne de 12,6 mg de vitamine D par gramme de sucre et en estimant une consommation mensuelle de 100 g de sucre par personne, on calcule que le père et le fils consomment chacun plus de 1,3 g de vitamine D3 par mois, soit 42 000 μg par jour (1,7 million d'unités) [la toxicité commence à 95 μg/j (soit 3 800 UI/j)] ; cela pendant sept mois.
« Cet incident isolé était lié au mélange, accidentel ou intentionnel, de vitamine D3 cristallisée dans le sucre de cette famille », indiquent les auteurs.
Le fils est revu pour la dernière fois en avril 2001, avec un 25(OH)D à 250 nmol/l et une créatinine à 125 μmol/l. Le père est revu en juin 2001, avec un 25(OH)D à 181 nmol/l et une créatinine à 179 μmol/l. Aucun des deux n'avait de symptôme ; tous deux étaient toujours sous prednisone.
« Lancet » du 23 février 2002, p. 672.
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