Le généraliste. Le TDAH est-il un trouble de société ?
Dr Marie-France Le Heuzey. Les premières descriptions du trouble déficit de l’attention/hyperactivité datent de 1902 ; il existe dans la littérature quelques très beaux exemples de TDAH célèbres (comme l’Etourdi de Molière). Certes, le nombre des consultations motivées par une demande de confirmation de diagnostic augmente régulièrement dans notre service, mais dans la très grande majorité des cas, mes confrères généralistes n’ont pas fait d’erreur ! Ils se sont largement documentés sur un sujet pourtant difficile – peut être même davantage que certains de mes confrères pédiatres... Le trouble hyperactivité a une base neuro-biophysiologique bien réelle, avec une prédisposition génétique connu ; mais l’environnement (à savoir la famille, le type d’éducation, les conditions de vie, la société, l’école …) joue un rôle essentiel, dans son expression comme dans sa mauvaise tolérance. Ainsi, une éducation trop stricte ou trop rigide, où l’enfant est sans cesse réprimandé ou puni dès qu’il s’agite trop, risque de dériver vers une certaine forme de maltraitance ; à l’inverse, l’absence d’un cadre éducatif suffisamment précis ouvre une brèche dans laquelle l’enfant TDAH s’engouffre bruyamment. Enfin, certaines orientations de notre mode de vie ont sans doute une influence sur les manifestations de ce trouble. Le zapping télévisuel intensif (rendu possible de par la multiplication des chaînes) est une habitude qui ne favorise guère la concentration intellectuelle ; l’un de mes petits patients me confiait il y a peu qu’il s’ennuyait à l’école parce qu’il ne pouvait pas « zapper la maîtresse » ! Le TDAH n’est pas un trouble de société, mais il est fortement lié à l’environnement.
Quelles sont les répercussions sur l’entourage ?
Dr MFLH. La souffrance des parents mais aussi de la fratrie est très réelle. Les réunions familiales deviennent impossibles, les parents sont déconsidérés par un entourage qui les traite souvent d’incompétents ; les frères et sœurs se sentent délaissés (comme dans toute famille où l’un des enfants, atteint d’un trouble chronique, requiert plus de soins et d’attentions) ou envahis (bris de jouets, disputes, non respect des espaces vitaux de chacun, etc). A ce titre en particulier, la prise en charge de l’enfant, et notamment la prescription de méthylphénidate, a démontré son efficacité à court terme, permettant d’obtenir rapidement une amélioration notable des symptômes et donc un véritable soulagement pour tous, le sentiment de rejet (des parents par leurs pairs ; de l’enfant par l’école ou la fratrie ; de la fratrie par l’enfant) disparaissant. Mais le pronostic à long terme des enfants TDAH est davantage lié à la qualité de l’environnement qu’au traitement médical ; la prise en charge éducative, l’encadrement social et familial sont essentiels.
Le TDAH est reconnu comme tel et pris en charge de façon spécifique depuis peu. Que sont devenus tous ces hyperactifs non traités ?
Dr MFLH. Des adultes TDAH ! Lorsque l’environnement s’est avéré de bonne qualité, que l’enfant n’a été ni déscolarisé, ni désocialisé, une partie des symptômes régressent. Il n’est pas rare que, lors de mes consultations, un parent se reconnaisse dans le vécu de son enfant et avoue souffrir encore de troubles attentionnels qu’il arrive à contrer via une armada de listes et d’assistantes ou grâce à une épouse hyper-organisée ! Les autres, - ceux qui n’ont pas eu la chance d’être repérés et pris en charge, ont sans doute présenté à l’adolescence des troubles des conduites, pour finir par sombrer dans l’usage de drogues, les actes antisociaux et la délinquance ; un nombre non négligeable de TDAH doit peupler nos prisons…
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