Caves insalubres sans lumière ni aération, fermes sans fenêtres, réduits où s'entassent plusieurs familles, tentes perméables à la pluie : les conditions de survie des civils tchétchènes, en Ingouchie, sont « indignes des standards d'assistance », dénonce Médecins sans Frontières (MSF) dans un rapport intitulé « Tchétchénie-Ingouchie : non-assistance à personnes en danger ».
Selon des sources officielles, environ 140 000 Tchétchènes ont rejoint l'Ingouchie, la Géorgie et le Daghestan, fuyant la guerre qui oppose la Tchétchénie à Moscou depuis plus de deux ans. Pour ceux qui sont restés au pays, les conditions de vie sont tout aussi « inhumaines ». « Les civils survivent dans la terreur, dans un environnement carcéral où règne l'arbitraire et ou les violences sont quotidiennes. » MSF rappelle que « "la lutte antiterroriste" s'arrête là où commencent les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité ».
En Ingouchie, dans leur pratique quotidienne (consultation médicale, réhabilitation de logements), les équipes de MSF ont constaté « l'immense précarité dans laquelle est intentionnellement maintenue la grande majorité des déplacés ». Selon l'association humanitaire, « la faiblesse de l'assistance délivrée et les menaces sont utilisées comme des moyens de pression pour forcer des retours non désirés vers la Tchétchénie ».
Trois types d'hébergement existent (location de pièces chez les particuliers, tentes, squats). « Cloaques invisibles », les squats sont toutes sortes d'endroits, usines abandonnées ou non, fermes d'Etat en fonctionnement ou non, entrepôts, écoles désaffectées, caves, hangars, etc. C'est là que les conditions de vie sont les plus dures, note MSF, qui tente, depuis un an, de sortir les familles des lieux insalubres (caves), de construire des petites pièces pour les reloger, de fournir des installations sanitaires décentes (construction de latrines, douches, aménagement de points d'eau). Dans les camps de tentes qui accueillent environ 30 000 personnes, les problèmes principaux sont la vétusté des tentes (près de 80 % d'entre elles sont trouées ou déchirées) et la surpopulation. « Comment on vit ici, s'exclame Alek, 37 ans, réfugié avec sa famille dans un abri de fortune . Les vestes accrochées au mur, ce sont nos oreillers. Nous n'avons pas de draps, pas une couverture par personne. Les deux matelas pour nos filles, ce sont des voisins qui nous les ont prêtées (...) Ici, c'est très humide, quand il pleut dehors, les murs sont mouillés à l'intérieur. Il y a des cafards partout et des rats. La petite est asthmatique, ici, ça empire, elle a toujours les yeux rouges et larmoyants, elle prend toutes les allergies qui passent. Ma femme a des problèmes de tension, on a déjà dû appeler deux fois les urgences, et quand les infirmiers sont entrés ici, ils ont dit que c'était pas étonnant que sa tension soit mauvaise... Moi, ma tuberculose est plus ou moins soignée. »
L'action humanitaire entravée
Selon MSF, la stratégie de non-assistance à personnes en danger « ne porte pas ses fruits ». « Cela ne poussera pas davantage ces exilés à entrer dans l'univers carcéral et dangereux » qu'est la Tchétchénie, « prison à ciel ouvert ».
Là-bas, l'horreur fait partie du quotidien. Tous les jours, des hommes et des femmes meurent sous les bombes, tombent au milieu d'échanges de tirs, disparaissent ou sont blessés au cours d'opérations de nettoyage, explique l'association humanitaire, livrant les témoignages de quelques civils. Sultan, 45 ans, raconte son arrivée, avec sa femme et ses filles (8 et 11 ans), dans la région de Vedeno. « Je suis conducteur d'ambulance pour les urgences de l'hôpital de Vedeno. J'ai continué à travailler, mais je n'ai plus de salaire, les voitures tombent en ruine. Un des deux corpus de l'hôpital n'est plus qu'un tas de ruines ; l'autre tient debout, et les médecins continuent de travailler malgré tout, sans gaz, avec des coupures d'électricité de 15 jours parfois. Les gens ne veulent pas rester à l'hôpital. Les femmes qui accouchent partent aussitôt chez elles, par peur des bombardements. Les docteurs font de leur mieux ; ils reçoivent un peu d'aide humanitaire, des médicaments de temps en temps ».
L'action humanitaire est « entravée par l'insécurité », s'indigne MSF. « Malgré les demandes faites de ne plus porter atteinte au personnel humanitaire, celui-ci est la cible de bien des attaques et exactions qui fragilisent, voire anéantissent, de véritables actions de secours. »
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