Le nuage consécutif à l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, le 26 avril 1986, ne s'est pas arrêté aux frontières de la France. Plus personne n'oserait le prétendre. Encore fallait-il connaître la contamination des sols français, ce à quoi s'est attaché l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
La carte présentée lors du bilan annuel des conséquences de l'accident de Tchernobyl est une reconstitution à partir de mesures réalisées au début de mai 1986, celles de la contamination de l'air par le césium 136 et celles des hauteurs de pluies. Logiquement, elle montre dans l'est de la France des dépôts équivalents à ceux apparaissant dans certaines zones du nord de l'Italie, de Suisse et du sud de l'Allemagne ; et, de même, à l'ouest et au nord, une continuité de la contamination (moindre) avec l'est de la Grande-Bretagne et de la Belgique.
On ne peut pas pour autant en déduire, comme l'ont fait certains patients qui ont porté plainte, un lien entre les cancers de la thyroïde et le nuage de Tchernobyl. D'abord parce que le césium 137 présent dans les sols vient aussi des essais atmosphériques d'armes nucléaires qui se sont poursuivis de 1945 à 1980. Ensuite parce que les doses absorbées par la population, qui passent également par l'alimentation, ne sont pas proportionnelles à celles se trouvant dans le sol. Enfin parce que les estimations d'excès de cancers radio-induits ne permettent pas d'expliquer la hausse, depuis trente ans, du nombre de cancers de la thyroïde (liée en grande partie à une amélioration du dépistage). Pour en savoir plus, il faut un registre national des cancers thyroïdiens, répète l'IRSN ; il est promis pour cette année. On attend aussi les conclusions du groupe du Pr Aurengo, chargé par le gouvernement d'étudier les risques pour la population française.
Un nouveau sarcophage
Pour les populations des pays les plus touchés, en revanche, le doute n'est pas de mise. En Biélorussie, en Russie et en Ukraine, l'épidémie de cancers de la thyroïde se poursuit chez les jeunes adultes (les jeunes enfants exposés en 1986), tandis qu'on constate un excès de leucémies de l'enfant. L'IRSN participe aux études épidémiologiques menées sur les travailleurs du site, les personnels d'intervention et les 600 000 liquidateurs qui ont travaillé sur le site ou dans les environs après l'accident.
Des travaux qui se poursuivent puisqu'il subsiste à Tchernobyl d'importantes quantités de matières radioactives. Plusieurs installations de traitement et d'entreposage des déchets sont en construction grâce à des soutiens européens et devraient fonctionner à partir de fin 2004 ou début 2005 : entreposage à sec de combustibles irradiés, atelier de traitement des effluents radioactifs liquides, installation de traitement des déchets radioactifs solides.
Il faut enfin construire un nouveau sarcophage car celui qui a été bâti à la hâte en 1986 pour abriter les restes du réacteur accidenté présente un risque d'effondrement. Ce sera une enveloppe métallique en forme d'arche d'un coût de 760 millions de dollars ; les travaux devraient se terminer en 2007. Pour une partie des 6 millions de personnes qui continuent de vivre dans des zones contaminées, il sera peut-être trop tard.
Les chiffres de la catastrophe
- 112 milliards de becquerels ont été rejetés dans l'atmosphère pendant les dix jours qui ont suivi la catastrophe, le 26 avril 1986.
- 250 personnes ont été hospitalisées, dont 31 sont décédées, parmi les personnes présentes sur le site pendant les premières heures.
- 600 000 liquidateurs sont intervenus dans les premières années ; ils ont reçu des doses importantes, estimées en moyenne à 100 mGy (le seuil d'apparition de l'hypoplasie médullaire est de l'ordre de O,15 Gy).
- Parmi les 1 135 000 habitants de la zone des 30 km autour de la centrale, interdite depuis l'accident, quelque 115 000 ont été évacués la première semaine.
- 220 000 habitants de Biélorussie, de Russie et d'Ukraine ont été déplacés des zones contaminées après 1986.
- Pour la période 1990-1998, en Biélorussie, en Russie et dans les régions les plus contaminées d'Ukraine, 1 800 cas de cancers de la thyroïde ont été recensés chez les personnes âgées de moins de 18 ans en 1986, alors que la maladie est rare chez l'enfant (1 à 2 cas par million et par an).
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