Certes, l'étude réalisée par les Drs Béatrice Luminet et Jean-Paul Guyonnet, dans le cadre d'un mémoire de médecins inspecteurs de santé publique à l'Ecole nationale de Rennes*, n'a aucune prétention de représentativité statistique. Elle ne porte en effet que sur huit « studios » de tatoueurs et de perceurs de l'Hérault, dont deux non répertoriés dans l'annuaire, positionnés en bord de plage. Mais elle confirme que ces pratiques, comportant une effraction de la barrière cutanée ou muqueuse, présentent bien un risque de transmission infectieuse, bactérienne et virale, particulièrement pour les virus des hépatites B et C.
Les visites des locaux, l'observation de la préparation du matériel, le suivi de la réalisation du geste, l'entretien avec les professionnels et les prélèvements réalisés sur le matériel trahissent un niveau d'hygiène « globalement déficitaire ».
Dans les studios de tatouage, tout d'abord, les aiguilles, achetées non stérilisées, soudées par le professionnel lui-même, ne sont pas stérilisées avant utilisation ; la buse, qui permet de guider l'aiguille et qui entre plus ou moins en contact avec la peau, donc l'exsudat et/ou le sang qui s'écoulent lors de l'opération, n'est jamais à usage unique ; les encres, introduites à l'intérieur du derme, ont des compositions et des provenances inconnues. Elles ne subissent aucun contrôle d'innocuité.
Pistolet souillé
Pour les perceurs, si les professionnels étudiés utilisent tous une aiguille stérile sous blister à usage unique, ils signalent que des adolescents pratiqueraient entre eux des piercings effectués avec une seule et même aiguille, pour des raisons d'économie. Le bijou implanté, par ailleurs, constitue un élément important de risque infectieux quand il n'est pas autoclavé avant implantation. Que dire encore, en la matière, de ces bijoutiers traditionnels qui, pour certains, continuent à utiliser un pistolet pour la pose de boucles d'oreille, l'embase de ces instruments étant souillée à chaque utilisation, devenant à chaque fois plus contaminante ?
Les résultats des prélèvements bactériologiques sont édifiants. Cinq ont été réalisés sur des aiguilles à tatouage prêtes à être utilisées, un sur un bijou de piercing, un sur un porte-aiguille, trois sur des buses de dermographe et un sur un manchon de dermographe. Chacun de ces onze prélèvements est revenu non stérile du laboratoire.
Pour les huit prélèvements virologiques qui ont porté sur du matériel prêt à être utilisé (aiguilles, buses et tiges de dermographes), un s'est révélé faiblement positif pour 100 à 200 copies.
Dans leur conclusion, les auteurs soulignent qu'aucun des studios qu'ils ont visités ne respecte l'ensemble des règles édictées en matière d'hygiène, que les erreurs d'asepsie, combinées à l'utilisation de matériel incorrectement stérilisé entre deux clients, entraînent un risque de transmission infectieuse interhumaine. Ils en appellent à la « réalisation d'une enquête de plus grande envergure, intégrant le suivi de clients et des infections éventuelles » pour mieux cerner le risque réel.
L'enquête va être lancée dès cette année par la DGS et l'InVS, après l'étude préliminaire de faisabilité qui sera réalisée en mars auprès de quelques dizaines de patients. « Elle devrait permettre de disposer d'un recueil de renseignements sur les populations qui s'adressent aux perceurs et sur les complications diverses qu'ils contractent », explique le Dr Jean-Baptiste Guiard-Schmid (hôpital Rothschild), auteur d'un « Guide des bonnes pratiques » largement diffusé par l'AP-HP auprès des professionnels, de leurs associations et des réseaux de vente de matériel spécialisé (« le Quotidien » du 22 juin 2001).
Mais aucun projet de réglementation ne semble encore se dessiner, la direction générale de la Santé craignant, semble-t-il, d'accorder, ce faisant, un statut sanitaire à une corporation qui en reste dépourvue. Aux risques de ses clients-patients.
« Bulletin épidémiologique hebdomadaire » n° 04/2002.
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