Après les généralistes, les quelque 3 000 pédiatres libéraux risquent fort de devenir le nouveau fer de lance du mouvement de protestation qui englobe la médecine de ville.
Les ingrédients sont en tout cas réunis pour que le conflit des pédiatres, en sourdine depuis plusieurs années, éclate au grand jour.
D'un côté, une spécialité sinistrée démographiquement, tout en bas de l'échelle des revenus des médecins libéraux, lassée par des négociations avec l'assurance-maladie qui n'aboutissent pas et que conduit un syndicat parfois contesté, jugé « vieillissant » par une partie de la base ; de l'autre, un « collectif » actif des pédiatres en colère (fort de 600 pédiatres) et, tout récemment, une coordination nationale indépendante qui affirment tous les deux représenter les médecins de terrain et qui, contrairement aux syndicats, peuvent se permettre de radicaliser les mots d'ordre en appelant explicitement à la pratique généralisée de tarifs décidés unilatéralement (en l'occurrence, la consultation pédiatrique à 30 euros, alors que la consultation spécialiste en secteur I est de 22,87 euros).
Le décor d'une crise est planté et la revalorisation tarifaire que viennent d'obtenir les généralistes a aiguisé l'appétit des pédiatres.
Question de survie
Pour l'instant, la mobilisation de la profession se construit en ordre dispersé. Le Syndicat national des pédiatres français (SNPF), malgré une énième séance de négociation avec les caisses jugée « terriblement décevante », n'a pas rompu les discussions avec l'assurance-maladie (« le Quotidien » du 10 juin). Une réunion de la dernière chance est prévue demain, à laquelle devraient participer, cette fois, les grandes centrales syndicales (CSMF, SML). « Ce que les caisses ont mis sur la table est tout simplement indigne », résume le Dr Francis Rubel, président du SNPF, en rappelant que, désormais, les honoraires des pédiatres « sont inférieurs de 48 % » à ceux des omnipraticiens. Lors de la dernière réunion, les responsables de l'assurance-maladie ont proposé une revalorisation de 4,50 euros par consultation pour 20 % des actes de pédiatrie. Une proposition jugée « indécente » par les pédiatres. Demain, le SNPF devrait, dans un premier temps, demander à nouveau la création d'une consultation pédiatrique spécifique, à laquelle la caisse a déjà opposé une fin de non-recevoir.
Dans un deuxième temps, le SNPF exigera « en urgence », c'est-à-dire sans attendre la refonte des consultations des spécialistes annoncée pour l'automne, une revalorisation de 80 % des consultations pédiatriques à hauteur de « 30 à 35 euros ».« C'est la survie de la pédiatrie de ville en France qui est en jeu », estime le Dr Rubel.
Une « Journée sans pédiatres » a été programmée lundi 17 juin, à laquelle devrait s'associer, selon le Dr Rubel, « toutes les composantes de la pédiatrie française » (libéraux, hospitaliers, hospitalo-universitaires). Quant à la menace d'une démission en masse des pédiatres des maternités privées à compter du 15 juin, elle est, selon le SNPF, plus que jamais d'actualité.
Coordination :la stratégie du fait accompli
Parallèlement, la coordination nationale des pédiatres libéraux, qui vient de se doter d'un bureau représentatif (avec, notamment, des membres du « collectif » créé en 1998), souhaite fédérer une majorité de pédiatres libéraux autour du Cs pédiatrique « à 30 euros » pour « rendre impossible » tout retour en arrière et « faire pression » lors de la négociation de la nouvelle convention. Une stratégie qui a porté ses fruits dans le conflit des généralistes. « Environ 400 pédiatres facturent déjà le Cs 30 euros et autant font régulièrement des dépassements très importants », estime le Dr Frédéric Delacourt, vice-président du collectif des pédiatres libéraux et porte-parole de la coordination. « Nous n'obtiendrons que ce que nous aurons pris par nous-mêmes... », peut-on lire notamment sur le forum Internet des pédiatres coordonnés.
Point sur lequel se retrouvent le SNPF et la coordination des pédiatres : rencontrer Jean-François Mattei pour débloquer la situation. Cela tombe plutôt bien : le nouveau ministre de la Santé est pédiatre de formation.
Enfin, il faut noter que la Société française de pédiatrie vient d'apporter son « soutien aux revendications exprimées » par le Syndicat national des pédiatres français, dont le but, explique cette société savante, est « d'assurer aux enfants et adolescents le maintien d'une prise en charge pédiatrique de qualité ».
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