LES CANCERS bronchiques sont en progression spectaculaire depuis la Seconde Guerre mondiale, rappelle le Pr Jean-François Morere (CHU Avicenne, Bobigny). Même si les hommes sont beaucoup plus touchés, les femmes, on le sait, sont de plus en plus nombreuses à être atteintes, conséquence direct du tabagisme féminin. Les chiffres très proches de l'incidence de la maladie et de la mortalité qui leur est imputable montrent toute la gravité de ces cancers, dont le pronostic est toujours sombre malgré les progrès incontestables des protocoles thérapeutiques actuels. La chirurgie reste la référence, mais elle n'est possible que dans un quart des cas environ, car le diagnostic est trop souvent porté à des stades évolués de la maladie. Le taux de survie atteint aujourd'hui 30 % à un an, un pourcentage encore bien faible, même s'il a doublé en quinze ans.
L'arrivée des biothérapies ciblées, pour le moment réservées aux cancers évolués, constitue dans ce contexte un progrès certain. Il s'agit de molécules qui agissent directement sur les cellules cancéreuses en ciblant un élément particulier de leur biologie à l'origine ou participant au phénotype tumoral.
Blocage des récepteurs de l'EGF.
L'erlotinib (Tarceva, Laboratoires Roche) fait partie de cette nouvelle classe thérapeutique. Il agit en bloquant les récepteurs de l'EGF, facteur de croissance des cellules épithéliales, dont l'entrée dans la cellule induit toute une cascade d'événements aboutissant à la prolifération maligne et à une activité pro-angiogénique, mais aussi au développement de la résistance aux traitements chimio- et radiothérapiques. Cette petite molécule, inhibiteur sélectif et réversible de l'HER1/EGFR au niveau des sites de liaison ATP, présente l'avantage d'être efficace par voie orale. Son mécanisme d'action et son profil de tolérance sont différents de ceux des agents de chimiothérapie. D'où l'idée de l'associer à la chimiothérapie de première ligne. Après l'espoir né des essais expérimentaux et précliniques, les résultats des études de phase III ont malheureusement été décevants et cette stratégie d'association a été abandonnée. En revanche, les essais des phases II et III en monothérapie de deuxième ou troisième ligne ont montré l'efficacité clinique de cette biothérapie ciblée. L'étude randomisée de phase III contre placebo, BR21, menée sous l'égide de l'Institut national du cancer du Canada dans 86 centres de 17 pays, a mis en évidence une réponse objective chez 9 % des patients sous Tarceva contre moins de 1 % sous placebo et 35 % de stabilisation. La durée médiane de la réponse a été de 7,9 mois (contre 3,7 sous placebo), une durée supérieure à celle obtenue par la chimiothérapie, même de première intention, souligne le Dr Maurice Pérol (hôpital de la Croix-Rousse, Lyon). A un an, le taux de survie dans cette population souffrant d'un cancer avancé était de 31,2 % dans le groupe Tarceva contre 21,5 % dans le groupe placebo. L'erlotinib a également prolongé le délai d'aggravation des symptômes tels que la toux, la dyspnée et les douleurs.
Plus de 700 patients ont participé à cette étude, dont les deux tiers ont été randomisés dans le groupe Tarceva. Si la survie globale a été prolongée dans tous les sous-groupes, les femmes et les sujets d'origine asiatique ont mieux répondu au traitement. Les adénocarcinomes se sont révélés plus sensibles que les autres tumeurs. Enfin, le taux de réponse a été nettement plus élevé chez les non-fumeurs que chez les fumeurs ou ex-fumeurs.
Le principal effet secondaire imputable au traitement a été cutané. Deux tiers environ des patients environ ont présenté une éruption acnéiforme, dès la première semaine de traitement pour la plupart d'entre eux. Un rash modéré le plus souvent, les doses de Tarceva n'ayant dû être diminuées que chez 10 % des patients. Dans 7 % des cas, néanmoins, le traitement a dû être interrompu momentanément.
Survie et amélioration de la qualité de vie.
L'essai BR21, qui confirme le bénéfice de cet inhibiteur sélectif des récepteurs de l'EGF tant en termes de survie que d'amélioration de la qualité de vie, a abouti à son autorisation de mise sur le marché dans le traitement des formes localement avancées ou métastatiques du cancer bronchique non à petites cellules après échec d'au moins une ligne de chimiothérapie. La posologie recommandée est de 150 mg par jour, à prendre au moins une heure avant ou deux heures après les repas. Son administration per os permet une prise en charge ambulatoire. La prescription est réservée aux spécialistes en oncologie ou en hématologie ou aux médecins compétents en cancérologie.
Conférence de presse des Laboratoires Roche avec la participation du Pr Jean-François Morère, du Dr Maurice Pérol et de Ms Olivier Hurstel et François Butel (Roche).
De nombreux essais en cours
De nombreux essais sont aujourd'hui en cours pour évaluer l'intérêt de l'erlotinib en première ligne, soit en traitement d'entretien après chimiothérapie, soit en traitement séquencé entre deux chimiothérapies, en complément de la radiothérapie ou encore en association, en deuxième ligne, avec une autre molécule ciblée, le bevacizumab (Avastin, Laboratoires Roche), un anticorps monoclonal indiqué dans le cancer colo-rectal métastatique.
Tarceva a également fait la preuve de son efficacité dans le cancer du pancréas avec une amélioration significative de la survie globale et de la survie sans progression. Il est également étudié dans les cancers de la tête et du cou, dans les cancers de l'ovaire et du rein, dans les glioblastomes et dans les tumeurs colo-rectales.
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