ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
L 'EMERGENCE de Tàpies dans le paysage artistique des années 1950-1960 correspondait à l'instauration d'une toute nouvelle école picturale de l'Espagne, qui se débattait encore dans les problèmes du franquisme. C'est toute une génération qui s'impose, revendiquant l'héritage du surréalisme (surtout Saura), et reprenant en charge les innovations de l'abstraction lyrique qui fleurit à Paris, alors le centre incontesté de l'avant-garde. Du côté de l'Espagne (avec Tàpies en Catalogne), c'est une abstraction plus violente, brutale, qui se construit, traduisant aussi bien l'état du moment, le climat social, qu'une volonté croissante d'exprimer ses forces inconscientes.
Evoquer la matière à propos de Tàpies, c'est rappeler qu'elle aura toujours été pour lui au cur de son propos. A son graphisme rageur, incisif, qui prend des allures de graffiti, il ajoute progressivement des objets arrachés au quotidien, comme l'avait fait Dada au début du siècle, comme le feront les Nouveaux Réalistes. Mais dans un souci pictural, cherchant la liaison possible entre l'objet de récupération et le graphisme qui en prolonge les effets, en souligne l'esprit. Quand le Nouveau Réalisme l'admet comme il est et se contente de le valoriser par le choix de l'artiste.
Tàpies a un sens particulièrement vif de l'espace plastique, il sait jouer des vides, donner une véritable respiration à ses exercices gestuels. On pourra presque lui reprocher un brin d'esthétisme, ce qui est bien le comble pour une démarche qui veut épouser la réalité à l'état brut. Tàpies a réalisé plus de 1 000 estampes (certaines de grand format) tant pour l'illustration des poètes qu'il aime que pour la constitution d'albums. L'espace du livre lui convient bien et le voisinage du texte est profitable à un graphisme aussi entier en ses options, et si proche du mot qu'il en prolonge la portée, en fouille le sens.
Bibliothèque nationale, Site François-Mitterrand, Petite Galerie. Quai François-Mauriac. Jusqu'au 25 juillet. Du mardi au samedi de 10 h à 19 h, le dimanche de 12 h à 19 h. Entrée 35 F.
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