Tous les participants à la conférence de presse* ont tenu à rappeler que la vaccination demeure le moyen le plus fiable pour assurer une prévention de la grippe, particulièrement chez les sujets de plus de 65 ans et/ou les personnes à risque. Cependant, Tamiflu apporte une solution thérapeutique marquante pour tous les sujets qui ne peuvent ou ne veulent pas être vaccinés.
L'oseltamivir fait partie de la nouvelle classe d'antiviraux de la grippe (dont le premier représentant est le zanamivir) qui agissent directement contre les virus grippaux de type A ou B, quelle que soit la souche circulante. Il faut rappeler que la neuraminidase a un site actif immuable sur la surface du virus grippal, qui est par ailleurs si variable. Il s'agit donc d'une cible idéale pour une intervention antivirale dans la mesure où cette protéine favorise la diffusion du virus, comme l'a rappelé le Dr Jean-Claude Manuguerra, de l'Institut Pasteur.
Les atouts de Tamiflu
Au sein de cette classe, l'oseltamivir présente des atouts incontestables : cette prodrogue est rapidement (30 min) et presque totalement (75 %) absorbée après prise orale, diffusant ensuite dans tous les sites infectés (le recours à une prodrogue permet la prise orale car les inhibiteurs de la neuraminidase ne peuvent être directement absorbés).
Au plan pharmacologique, Tamiflu se caractérise également par l'absence de métabolisation hépatique et par une demi-vie d'élimination relativement lente (6 à 10 heures), ce qui autorise une couverture biquotidienne en traitement.
Tamiflu a également bénéficié d'un vaste programme de recherche clinique (plus de 7 000 patients), ce qui a conduit à des indications multiples, tout d'abord en traitement curatif, aussi bien chez l'enfant de plus de 1 an que chez l'adulte sain. La démonstration d'efficacité chez l'enfant est particulièrement importante quand on sait que, au cours d'une épidémie, de un tiers à près de la moitié des patients sont âgés de 1 an à 14 ans. Les essais cliniques réalisés ont mis en évidence une efficacité sur les symptômes (- 35 à 45 %), mais aussi sur le risque de complications (- 40 %) et sur le recours aux antibiotiques (- 24 %). En particulier, le recours à Tamiflu permet de réduire l'incidence des otites moyennes aiguës ( 40 %, p = 0,013), celles-ci compliquant de 25 à 50 % des grippes de l'enfant.
D'autres paramètres sont significativement améliorés, comme le délai de sortie de la maladie (- 26 %, p < 0,0001), ainsi que le portage viral nasal (réduit d'un tiers), ce qui est particulièrement important pour diminuer la contagiosité.
Des résultats tout aussi significatifs ont été obtenus chez l'adulte sain et l'adolescent, permettant là encore une diminution de la symptomatologie (de - 35 à 55 % selon le symptôme considéré), un retour plus rapide à une activité normale en diminuant la durée médiane de la grippe. A ce sujet, le Dr Michèle Peking (Roche) fait remarquer que Tamiflu est d'autant plus efficace qu'il est administré tôt : on gagne un jour de durée de la maladie par 12 heures de précocité de traitement. Autrement dit, le produit qui, de toute façon, doit être administré dans les quarante-huit premières heures, fait gagner 3,8 jours s'il est administré à l'apparition des symptômes, 2,2 jours à 24 heures et seulement 1,1 jour à 36 heures.
Toujours chez l'adulte sain, on note, comme chez l'enfant, une diminution de l'incidence des complications des voies respiratoires basses, essentiellement des bronchites et des sinusites. Enfin, Tamiflu a également démontré son efficacité chez des sujets âgés de plus de 65 ans : même si dans ce groupe le produit n'a pas réduit significativement la durée médiane de la grippe, il raccourcit significativement la durée totale de l'épisode fébrile et la fréquence des complications respiratoires basses (- 36 %, p = 0,0156).
La prophylaxie postexposition
Une des grandes nouveautés est aussi la démonstration d'une efficacité de Tamiflu en prophylaxie postexposition chez l'adulte et l'adolescent à partir de 13 ans après contact avec un cas de grippe cliniquement diagnostiqué en période de circulation du virus. Dans ce cadre, on observe une diminution de 92 % de l'incidence des grippes symptomatiques. La démonstration d'un effet prophylactique chez l'enfant n'a pas encore été apportée et, donc, une telle indication ne figure pas dans les RCP du produit.
Tolérance et maniabilité
Enfin, Tamiflu assure une grande sécurité de prescription : quasi-absence d'interactions ; effets secondaires limités et transitoires (digestifs essentiellement) ; respect de la production des anticorps spécifiques de la grippe. Par ailleurs, Tamiflu ne nécessite pas d'adaptation posologique en dehors de l'insuffisance rénale sévère.
Ajoutons à cela que Tamiflu bénéficie d'un recul déjà important puisque le produit, qui est déjà lancé dans plus de quarante-cinq pays, a été administré à plus de 4 millions de patients, en dehors des 7 000 qui sont entrés dans le programme de développement clinique.
Du bon usage de Tamiflu
Comme l'ont rappelé le Dr Jean-Marie Cohen (coordinateur national des GROG) et le Pr François Bricaire (CHU Pitié-Salpêtrière), le succès de Tamiflu repose sur une utilisation réfléchie du produit, reposant à la fois sur une surveillance épidémiologique et sur un diagnostic essentiellement clinique. Les réseaux de surveillance de la grippe apportent à ce niveau des renseignements irremplaçables au médecin praticien (tant il est vrai que le diagnostic clinique n'est pas toujours aussi évident qu'on ne le pense et parce qu'on ne peut pas espérer un recours aux tests de diagnostic rapide pour asseoir un diagnostic en médecine praticienne, du moins pour l'instant). Or, les inhibiteurs de neuraminidase ne seront perçus comme un progrès important par les patients et le public en général que s'ils sont prescrits à bon escient, c'est-à-dire dans des contextes bien précis : épidémie déclarée de grippe A ou B, virus non contenus dans le vaccin, sujets non vaccinés (contre-indication, refus du vaccin ou population ne justifiant pas la vaccination) et, enfin, sujet ayant été en contact étroit avec un grippé.
* Une conférence de presse Roche
En pratique
Comme l'a rappelé Didier Laloye, directeur de l'unité opérationnelle médecine générale et spécialisée (Roche), Tamiflu sera disponible sous deux formes : boîtes de 10 gélules dosées à 75 mg et poudre pour suspension buvable à 12 mg/ml correspondant à 10 doses de 75 mg. Il s'agit d'un produit de prescription non remboursé au lancement*, même si Roche poursuit activement les négociations avec les pouvoirs publics pour obtenir le remboursement l'an prochain.
Le schéma d'utilisation est simple chez l'enfant comme chez l'adulte et l'adolescent de plus de 13 ans :
- chez l'enfant de plus de 1 an, une dose selon le poids (de 30 mg en deçà de 15 kg à 75 mg au-delà de 40 kg) matin et soir pendant cinq jours ;
- chez l'adulte et l'adolescent de plus de 13 ans, une gélule matin et soir pendant cinq jours.
On l'a dit, dans tous les cas de figure, Tamiflu doit être pris impérativement dans les deux jours suivant le début des symptômes.
En prophylaxie postexposition, le schéma est d'une gélule par jour pendant au moins sept jours ; là encore, le traitement doit débuter dans les deux jours suivant le contact avec le sujet grippé.
Enfin, il faut souligner que Tamiflu ne doit être pris qu'en période de circulation du virus.
* Le prix indicatif conseillé est de 29,50 euros pour un traitement.
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