I L aura fallu une débauche de technologie à D. Casey Kerrigan et coll. (Boston, Etats-Unis) pour confirmer leur hypothèse sur l'action néfaste des chaussures à talons hauts, aiguilles ou larges, sur les genoux. Suspectant que la taille de la surface d'appui ne modifie pas le risque d'un port prolongé, ces médecins américains ont eu recours à une piste de 10 m de long. Ils y ont enregistré, mesuré les parcours de 20 volontaires par un système sophistiqué d'analyse du mouvement, reposant sur six caméras vidéo et deux plates-formes de mesure des forces, enfouies dans le revêtement de la piste.
Ces 20 femmes, habituées à chausser des talons, sont donc venues marcher avec deux paires de chaussures leur appartenant, aux talons, aiguilles et larges, de même hauteur. Les divers paramètres de départ ont été enregistrés : en moyenne leur âge était de 34,9 ans, leur taille de 1,62 m, leur poids de 59,1 kg, la hauteur des talons de 7 cm, les zones d'appui des talons aiguilles faisaient 1,2 cm et celles des talons larges, 4,5 cm. Les pics moyens des couples de torsion articulaire ont été déterminés lors de trois parcours pour chacune des deux paires de chaussures et pieds nus.
A ce terme, les enregistreurs ont rendu leur verdict. Les conclusions chiffrées, données en newton-mètres par kilogrammes-mètres, assez complexes, montrent que le couple de torsion des genoux, dans un plan sagittal, est modifié par le port de talons, quels qu'ils soient. Par rapport à la marche pieds nus, il apparaît que le couple de torsion en flexion, normalement présent au début du mouvement, persiste en position moyenne et que le pic de torsion à l'extension, à la fin du mouvement, est significativement réduit. Ce pic, avec des talons larges, dépasse de 30 % celui de la marche à plat. Faisant planer sur eux le doute d'une plus grande nocivité que les talons aiguilles.
Un second plan, frontal, a été exploré. Les conclusions sont du même ordre. Le couple de torsion au cours du varus du genou est majoré tout au long du mouvement pour les deux paires de chaussures par rapport aux pieds nus, avec une élévation des deux pics à l'enregistrement (+ 26 % pour les talons larges, + 22 % pour les talons aiguilles).
Plus abordables sont les conclusions. « Cette augmentation du couple de torsion du genou majore le travail des quadriceps, majore la tension via le tendon rotulien et majore la pression dans l'articulation fémoro-patellaire. Cette hyperpression survenant à chaque pas peut jouer un rôle dans le développement de changements articulaires, d'ordre dégénératif, du compartiment fémoro-patellaire... Un couple de torsion en varus augmenté impose des forces compressives plus élevées dans la zone moyenne du genou, région sujette à la dégénérescence. »
La dernière phrase de la publication, malgré tout, ne condamne pas définitivement ces accessoires vestimentaires féminins. Les médecins américains considèrent que leur découverte peut revêtir une importance particulière dans la survenue d'une gonarthrose dans la mesure où « des femmes tendent à porter ces chaussures à hauts talons régulièrement et pendant des périodes prolongées ».
« Lancet », vol. 357, 7 avril 2001, pp. 1097-1098.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature