Créé à Monte-Carlo par le Ballet de Marseille en 1974, « les Intermittences du coeur » a fait le tour du monde et le Palais-Garnier l'a déjà accueilli en 1988. Mais aujourd'hui, c'est le Ballet de l'Opéra de Paris qui s'en empare avec de nouveaux décors de Bernard Michel (les anciens n'étant plus au goût du chorégraphe) et les talents n'y manquent pas pour donner deux distributions à ce ballet.
Mais s'agit-il d'un ballet ? Pas vraiment au sens classique, mais plutôt d'une succession de treize tableaux où les personnages, les situations et le malheur et le bonheur, ce qui fait l'essence même d'« A la recherche du temps perdu », sont évoqués par le jeu de la danse. Petit y confronte dans les deux parties du spectacle paradis et enfer proustiens. La musique y est largement présente et les compositeurs sont choisis avec un goût exquis : Wagner, Saint-Saëns, Fauré, Debussy, Franck, Hahn, la quintessence du début du XXe siècle qui marquait la fin d'un monde.
Eleonora Abbagnato avec Hervé Moreau(Laurent Philippe)
Les jeunes filles en fleurs, les aubépines, les cattleyas, la jalousie, la passion, vocabulaire de base de la « Recherche », évoquent ces paradis avec une chorégraphie à la fois simple et inventive. Les enfers avec les passions et les vices de Charlus, la perversité du désir chez Morel, sont évoqués plus crûment et donnent lieu à des séquences dansées d'une force magnifique. La mort enfin, celle des personnages, mais surtout celle d'un monde, l'aristocratie européenne survivante de l'Ancien Régime dont la Première Guerre mondiale sonne le glas, est représentée par un tableau final chez la duchesse de Guermantes aux véritables airs de défilé funéraire avec les magnifiques costumes de Luisa Spinatelli, sur l'ouverture de « Rienzi », de Wagner, grande réussite esthétique en noir et blanc sur une scène seulement équipée d'un immense miroir terni avec, assis au premier plan, l'écrivain assis, comme déjà mort.
De la distribution de la deuxième représentation, on a admiré sans réserve la composition du danseur étoile Manuel Legris, artificiellement vieilli pour donner un portrait saisissant de la personnalité torturée du baron de Charlus. Mais la plupart des danseurs étaient choisis dans la jeunesse du Ballet. Superbe incarnation de Stéphane Bullion en Morel, le violoniste piège de tous les désirs.
Le jeune danseur étoile Mathieu Ganio (dont les parents Khalfouny et Ganio ont été des interprètes des débuts de cette oeuvre) donnait avec justesse un air de pureté à Saint-Loup. Eleonara Abbagnato et Caroline Bance sont de magnifiques évocations des jeunes filles Albertine et Andrée, et Bruno Bouché, un peu effacé mais techniquement superbe, dans l'évocation de Swann.
Dans ce spectacle dont la composante musicale est si importante, et même le point de départ du travail du chorégraphe, l'Orchestre de l'Opéra de Paris, dirigé par Koen Kessels, s'est montré superbe avec, pour les moments de musique de chambre, l'intervention de magnifiques musiciens comme le violoncelliste Cyrille Lacrouts, le violoniste Frédéric Laroque et le pianiste Jean-Yves Sébillotte. Un spectacle de très grande tenue.
Opéra de Paris Palais-Garnier : 0892.89.90.90 et www.operadeparis.fr. Prochaines représentations les 12, 13, 15, 19, 21, 24, 26, 28 et 31 mars. Prix des places : de 6 à 80 euros.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature