LES VENTES DE CIGARETTES et de tabac à rouler ont augmenté de 2,9 % et de 4 % respectivement sur les cinq premiers mois de 2006 par rapport à la même période de l’année dernière. De janvier à mai, 27 milliards d’unités (une unité correspond à 1 g de tabac) ont été vendues, dont 22,8 milliards de cigarettes (+ 5,8 % pour les blondes et – 10,5 % pour les brunes), pour un chiffre d’affaires de 6,1 milliards d’euros (+ 3,4 %). Dans près de la moitié (49 %) des départements de métropole, la hausse est supérieure à 5 %. Dans 15 autres, en revanche, particulièrement dans le grand Sud-Ouest et le Nord, où les achats transfrontaliers en Espagne et en Belgique sont fréquents, un recul des ventes est enregistré.
«Tous les indicateurs, comme la diminution du nombre de personnes dans les consultations médicales pour s’arrêter de fumer, démontrent une rechute dans la lutte contre le tabagisme», affirme le Pr Bertrand Dautzenberg, responsable de l’Office français de prévention contre le tabagisme. Pour le Pr Gérard Dubois, «il n’y a rien d’étonnant à cela. Ça se passe exactement comme prévu». Une politique de progression des prix, «ça se nourrit, si l’on veut qu’elle perdure». «Une augmentation ponctuelle n’agit sur les comportements des fumeurs que pendant dix-huit à vingt-quatre mois»,dit-il au « Quotidien ».
De 1991 à 1997, l’interdiction de la publicité (loi Evin du 10 janvier 1991) et les majorations répétées, «quasi annuelles», se sont révélées payantes. L’abandon de toute action dissuasive devient ensuite la règle pour quatre ans. Mais à partir de 2002, les pouvoirs publics mettent en place une stratégie des prix, en particulier en 2003 et 2004. Au cours de ces deux années, la hausse a atteint 32 %, entraînant un recul des ventes de 34,6 %. Puis, «plus rien»: 2005 se traduit par une stagnation des ventes (– 0,2 %) «et, en toute logique, ça repart pour l’année en cours».
Lever l’armistice fiscal conclu avec les buralistes.
«Si on reste à ne rien faire durant un certain temps, compte tenu de l’inflation qui continue à courir, on aboutit à une chute du prix du tabac», insiste le Pr Dubois. Dans le même temps, les pays limitrophes comme l’Espagne, la Belgique et l’Allemagne ont majoré leurs prix et, par voie de conséquence, les approvisionnements transfrontaliers se sont effondrés. En outre, «il y a eu l’abandon du CPE en avril, qui, chez le Premier ministre, a induit une autre reculade relative à l’interdiction de fumer dans tous les lieux publics, adoptée pour ainsi dire dans son principe. C’est si vrai, ajoute le praticien, qu’une mission parlementaire sur le sujet, confiée à Claude Evin, a vu le jour dans la foulée» (“le Quotidien” du 15 mai). N’oublions pas, enfin, que la politique inadéquate du gouvernement, prévue et attendue, est porteuse d’une erreur monstrueuse, l’accord passé avec les buralistes (Raffarin, automne 2003) selon lequel les taxes sur les produits du tabac sont suspendues de 2004 à la fin de 2007».
Pour sortir de l’ornière, le Pr Dubois souhaite la prohibition du tabac, sans demi-mesure, dans tous les lieux publics, et la levée de «l’armistice fiscal», notamment pour le tabac à rouler, nettement moins taxé que les cigarettes. En ce qui concerne la mission Evin, qui doit rendre ses conclusions au début d’octobre, le patron de l’Alliance contre le tabac se dit optimiste, bien que les modalités d’application de l’interdiction de fumer dans les bars et les restaurants risquent de poser moult problèmes. «Il existe des arguments sanitaires et juridiques très forts», souligne-t-il. A cet égard, un arrêt de la cour d’appel de Rennes de 2004, qui fait désormais jurisprudence, a donné raison à un garçon de café qui avait refusé de travailler dans une zone fumeurs où il courait «un risque immédiat» pour sa santé.
La Cour de cassation a jugé en 2005 qu’un employeur a une obligation de moyens et de résultats en la matière, estimant qu’il a contraint un salarié au départ (donc licencié) car il était exposé contre son gré à la fumée du tabac. Si rien n’est fait, les décisions de ce type vont se multiplier et les entreprises deviendront «inassurables», prévient Gérard Dubois. En Italie, la suppression du tabac dans les lieux publics a fait baisser la consommation de 8 % et en Irlande de 6 %. Il va sans dire que la période électorale qui commence en France ne devrait pas aider les pouvoirs publics à prendre une décision ferme et définitive.
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