Quelle que soit son issue, c'est déjà une grande victoire qu'a remportée la CPAM de Saint-Nazaire avec le procès qui commence aujourd'hui. Il lui a fallu quatre ans pour faire aboutir devant le tribunal de grande instance sa plainte contre quatre fabricants - Altadis (ex-SEITA), Philip Morris, JTI-Reynolds et British American Tobacco (Rothmans) - auxquels elle réclame 18,6 millions d'euros.
L'action en justice a été lancée en 1999 : c'est « une action exemplaire de santé publique qui devrait déboucher sur le procès civil du troisième millénaire », affirmait alors au « Quotidien » (17 février) l'avocat de la caisse, Francis Caballero, également conseil, depuis quinze ans, du Comité national contre le tabagisme (CNCT), ainsi que de plusieurs victimes de la cigarette en procès contre la SEITA.
Confrontée à « un mur d'argent procédural », la caisse, explique son président Guy Couillaud, a dû batailler ferme et dépenser plus de 80 000 euros pour faire valoir son droit de poursuivre les fabricants en tant que personne morale et au titre du préjudice subi du fait du tabac. Le service médical de la caisse a fait une extrapolation à partir des dépenses engagées pour 1 4356 patients souffrant de pathologies liées à une très forte fréquence de l'usage du tabac (cancers broncho-pulmonaires, de cancers du larynx et de la glotte ou d'artériopathies des membres inférieurs - non diabétiques). Selon cette « évaluation minimale », le tabac coûte à la caisse de Saint-Nazaire 3,611 millions par an. Outre 18,658 millions pour réparation du préjudice, la caisse réclame donc que les prévenus lui versent solidairement cette somme chaque année « tant que leurs cigarettes n'offriront pas au public la sécurité à laquelle il peut légitimement prétendre ».
Le montant des amendes éventuelles devrait servir à renforcer les nombreuses actions de prévention antitabac de la caisse.
Il faut « faire payer, pour les dommages qu'elle cause, une industrie délinquante, déjà condamnée 80 fois en France pour détournement de la loi Evin », dit à l'AFP Me Caballero. Pour autant, le procès ne vise pas à interdire le tabac, mais à combattre la dépendance : « L'enjeu, c'est le paquet de cigarettes de l'avenir, qui procurera au fumeur la connaissance et l'aide nécessaire pour s'arrêter de fumer à temps. » La CPAM rêve à une décision de justice qui conduirait les fabricants de tabac à négocier avec elle, voire avec l'assurance-maladie, et qui investiraient dans la prévention, par exemple en prenant en charge le coût du sevrage.
Pour leur part, les fabricants devraient à nouveau contester le lien de causalité entre la vente de cigarettes, le tabagisme et ses conséquences et mettre en avant la liberté du consommateur adulte. La CPAM a eu quatre ans pour peaufiner ses arguments.
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