L'OMS : « A nous d'agir ! »
« Une relation de cause à effet a été établie entre le tabagisme passif et toute une gamme d'effets potentiellement mortels, y compris le cancer des poumons et les cardiopathies », souligne l'OMS, qui juge les enfants particulièrement en danger et relève aussi la responsabilité du tabac dans la pollution de l'air à l'intérieur des locaux. « Nous disposons des preuves. A nous d'agir ! »
L'OMS, organisatrice de la Journée mondiale sans tabac, se donne pour objectif, avec ses partenaires, « de faire en sorte qu'éclate au grand jour la vérité sur le tabagisme passif ». Et de dénoncer l'industrie du tabac, dont « la stratégie institutionnelle a toujours consisté à combattre les réglementations et les lois visant à protéger les gens contre le tabagisme passif ». Laquelle industrie a compris depuis longtemps le danger, comme le soulignait une étude commandée en 1978 : « Le mal que le fumeur se fait à lui-même est son affaire, mais le tort que le fumeur cause au non-fumeur est une autre affaire... Nous considérons cet aspect comme la principale menace à ce jour pour la viabilité de l'industrie du tabac. »
L'OMS a, en outre, lancé un concours auprès des maires des villes du monde entier : ceux dont les campagnes pour dire « La fumée des autres tue ! » auront eu le plus de succès sont aujourd'hui les hôtes d'honneur d'une cérémonie spéciale en Pologne avec le Dr Gro Harlem Brundtland.
Entre 2 500 et 3 000 morts par an en France
Selon un rapport remis à Bernard Kouchner par le Pr Bertrand Dautzenberg (Pitié-Salpêtrière, Paris), le tabagisme passif fait entre 2 500 et 3 000 morts par an en France. Vivre dans une atmosphère enfumée augmente de 20 % le risque de décès pour les cardiaques et de 25 % celui de développer un cancer du poumon.
Le rapport souligne, lui aussi, les dangers pour le ftus et l'enfant : le risque de retard de croissance intra-utérin et de petit poids à la naissance est plus grand lorsque la femme enceinte est exposée à la fumée des autres et bien sûr fume elle-même ; le risque de mort subite est multiplié par deux quand la mère fume et augmente en fonction du nombre de fumeurs dans la maison, du nombre total de cigarettes fumées par jour et de la durée d'exposition au tabagisme ; le risque de bronchites de l'enfant augmente de 72 % ; le tabagisme passif augmente l'intensité et la fréquence des crises d'asthme ainsi que le risque d'otites récidivantes.
Conseils aux non-fumeurs
Alors que la loi Evin est en vigueur depuis dix ans, trois Français sur quatre se disent gênés par la fumée des autres, selon le CFES*. 15 % des fumeurs admettent qu'il leur arrive de fumer dans les zones non-fumeurs. 80 % des non-fumeurs et 61 % des fumeurs eux-mêmes réclament un renforcement de la protection de ceux qui ne fument pas ; il est vrai que plus d'un Français sur trois ne réagit pas lorsqu'il est en présence d'un fumeur dans une zone non-fumeur et que 20 % changent de place. La gêne est surtout sensible dans les restaurants et les bars (60 % des Français s'en plaignent), mais aussi sur les lieux de travail (près de 40 %), à l'école et à l'université (50 % des jeunes) et même à domicile (30 %).
Comment réagir à la fumée des autres ? Le CFES a posé la question au Dr Alcaraz, psychiatre, consultant en tabacologie à l'hôpital Necker, à Paris. Il ne faut ni subir sans rien dire, ni fuir, ni être agressif. Il faut exprimer la gêne qu'on ressent (en disant « La fumée me gêne, pouvez-vous éteindre votre cigarette ? » plutôt que « Vous me gênez avec votre cigarette ») et tâcher de développer des attitudes empathiques (en signalant qu'on est conscient de la difficulté de ne pas fumer).
A l'occasion de la journée du 31 mai, la CNAMTS et le CFES ont réalisé, en partenariat avec l'Alliance pour la santé-Coalition contre le tabagisme, une affiche (« Votre cigarette, ce sont aussi les autres qui la fument ») et une brochure sur le tabagisme passif (brochure disponible sur simple appel à Tabac Info Service, 0.803.309.310).
Kouchner réfléchit à l'interdiction de vente aux moins de 16 ans
Le ministre délégué à la Santé s'est rendu à Saint-Nazaire pour signer la première charte Ecole sans tabac au collège (Louise-Michel, à Paimbeuf) et participer à une conférence-débat sur les enfants et le tabac, avec notamment l'ancien ministre Claude Evin. Il a indiqué qu'il « réfléchissait » à une éventuelle interdiction de la vente de tabac aux moins de 16 ans, qui pourrait, dans un premier temps, être expérimentée dans une seule région. Certains de ses conseillers sont opposés à une telle mesure, a révélé Bernard Kouchner, arguant que les interdictions ne marchent pas pour la toxicomanie. Elle pourrait rendre le tabagisme mieux contrôlable par les parents, mais il pourrait y avoir des trafics de cigarettes dans les écoles.
* Baromètre santé 2000 CFES/CNAMTS et enquête IPSOS (DGS/CNAMTS/CFES) réalisée les 27 et 28 avril auprès de 1 015 personnes de 15 ans et plus.
Des actions dans le Nord
Dans le Nord - Pas-de-Calais, l'association Eclat (Espace de concertation et de liaison des actions face au tabagisme), présidée par le Pr Cyr Voisin, développe ses messages de sensibilisation sur les risques liés au tabagisme. Pour ce faire, elle s'appuie sur une trentaine de partenaires actifs sur le terrain : institutions, centres de promotion de la santé, mais aussi associations locales qui développent des initiatives dans chaque secteur.
Le 31 mai, tous ces organismes seront sur le pont pour sensibiliser le grand public au tabagisme passif. Des actions seront menées dans de nombreuses villes de la région, en milieu scolaire, hospitalier, mais aussi professionnel, avec notamment l'organisation d'une grande course pédestre à Lille réunissant les associations sportives de plusieurs entreprises.
« Nous ne cherchons pas à stigmatiser les fumeurs, explique le Pr Voisin, mais à faire comprendre que la liberté de fumer s'arrête là où commence la liberté pour les non-fumeurs de vivre dans une atmosphère sans fumée. Il s'agit plus de courtoisie que d'une démarche autoritaire. »
Dans cette association, voilà déjà douze ans que l'on s'efforce de faire passer le message en soutenant la création de consultations antitabagiques et en développant la formation de relais. Depuis 1988, plusieurs centaines de professionnels de santé ont été formés à l'aide à l'arrêt du tabac. Un travail de longue haleine que justifient les très mauvais indicateurs régionaux en matière de mortalité. Les maladies liées au tabac représentent en effet 10,4 % de décès chez les 35-44 ans et 18,8 % chez les 45-64 ans.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature