C'EST EN 1998 que le ministère de la Santé a décidé d'ouvrir une ligne téléphonique pour les fumeurs. A l'époque, son opérateur, le Comité français d'éducation pour la santé (Cfes), entend «renforcer les campagnes d'information grand public sur les dangers du tabagisme».
L'écoutant, un téléconseiller, adresse aux curieux une documentation ou, pour les plus chanceux qui habitent dans une métropole, leur communique l'adresse de l'une des rares consultations de tabacologie existant dans le pays. Très vite, les demandes d'aide à l'arrêt du tabac se font pressantes et nombreuses. On veut savoir comment décrocher. Deux ans plus tard, un tabacologue prend l'écoute en main. Il tente de répondre à chaque question de manière personnalisée. En 2002, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes, loi du 4 mars) succède au Cfes.
Cinquante-cinq pour cent de femmes.
Avec le concours de l'Office français de prévention du tabagisme (OFT), le 0825.309.310 se restructure. Deux niveaux d'écoute sont introduits. Pour les interrogations simples, 4 ou 5 téléconseillers à temps partiel se relaient (écoute 1). Une demi-douzaine de médecins spécialistes en tabacologie sont mis à contribution (niveau 2). On recense 25 000 appels annuels. Puis, Tabac Info Service entre dans sa phase définitive de montée en charge, avec un budget annuel de 1 million d'euros. Fort de l'expérience du service néerlandais, dont les appels ont été multipliés par six avec l'apparition des avertissements sanitaires (14, dont « Fumer tue »)** sur les paquets de tabac, le nombre de téléconseillers, désormais à plein-temps, passe à 10 et celui des tabacologues à 30. Les premiers sont 6 à occuper en permanence le standard téléphonique et les seconds, entre 7 et 10. Pour les uns, la mise à jour des connaissances se fait 3 ou 4 fois dans l'année. Pour les autres, la formation continue est mensuelle. En 2006, du lundi au samedi, de 8 à 20 heures, quelque 48 000 appels ont été enregistrés, au prix de 35 centimes d'euro la minute (Numéro Azur) ; en janvier dernier, 10 761, dont 6 055 concernent le sevrage et 3 360 la législation, à l'initiative notamment d'enseignants, de professionnels de la santé ou encore d'entreprises, et en février, 8 000 (deux tiers sur le sevrage, un tiers sur la législation). A l'instar des consultations de tabacologie, les appelants fumeurs, d'un âge moyen de 40 ans, qui grillent 20 cigarettes quotidiennement ou plus, sont majoritairement des femmes (55 %).
Les communications longue durée gratuites.
Les questions d'ordre général – «Je voudrais connaître une consultation de tabacologie à proximité de chez moi», «Existe-t-il une pilule miracle pour arrêter?», «Tel substitut nicotinique est-il remboursé?» – trouvent une réponse en moins de 5 minutes. A l'inverse, les interrogations personnalisées de stade 2 nécessitent en moyenne 24 minutes. Dans ce cas, dès que l'interlocuteur quitte le niveau d'écoute 1, il lui est demandé de raccrocher, le service s'engageant à le rappeler à ses frais. «J'aimerais utiliser le patch. Quelle dose me conseillez-vous?», «Ça fait cinq jours que je ne fume plus. Je vais très mal, je me sens proche de la rupture», «Je suis enceinte. Il va falloir que j'arrête, mais comment?», «Je suis atteint d'une maladie grave et je ne sais par quel moyen supprimer la cigarette?»
«Face à ces interpellations, il ne nous appartient pas d'ouvrir une consultation. Nous ne sommes pas en mesure de faire un examen clinique», souligne le Dr Patrick Dupont, responsable scientifique de l'OFT et de Tabac Info Service. En revanche, le tabacologue écoutant va chercher à comprendre la question posée en procédant à une triple évaluation, portant sur la dépendance à la nicotine, les craintes et les difficultés que suscite l'intention d'arrêter le tabac, et le moral du fumeur. Neuf sur dix des appelants ont déjà essayé de s'arrêter, sans succès, et un sur dix est un novice en sevrage qui exprime des appréhensions. Dans un entretien sur cinq, des fumeuses, principalement, disent redouter la prise de poids. Au terme de l'échange, sur un mode anonyme, qui peut durer jusqu'à 40 minutes, les pseudo-difficultés sont écartées, ce qui n'exclut pas des résistances réelles qui exigent un accompagnement spécifique de la part du service. Soit le fumeur dépendant est incité à prendre des substituts nicotiniques, soit le tabacologue-écoutant lui recommande de se rendre chez son médecin traitant ou dans une consultation de tabacologie pour un traitement au bupropion (Zyban) ou à la varenicline (Champix). Un recours au psychologue, voire au psychiatre, peut être utile dans le cas de sujets fragiles. Dans les situations délicates, le tabacologue propose à la personne de la rappeler. «A-t-elle réussi à ne pas allumer une cigarette tout de suite après son café? Boit-elle un verre d'eau pour repousser à plus tard la cigarette, jusqu'à l'éliminer? Redoute-t-elle toujours les rencontres conviviales? C'est en général très encourageant et positif pour le fumeur de savoir qu'on s'intéresse à lui», commente Patrick Dupont, qui, en dix-sept années de tabacologie, n'a dû qu'une fois recommander l'interdiction du café à un homme qui en buvait 40 par jour.
Depuis 2005, le conseiller scientifique de Tabac Info Service a instauré un protocole de suivi de l'arrêt par téléphone, durant deux mois pour les fumeurs qui ne se trouvent pas en mesure de se déplacer facilement chez un praticien. En 2006, sur 1 600 personnes rappelées à cinq reprises pendant huit semaines, une sur deux était restée abstinente.
Chaque jour, 160 appels arrivent au niveau 1, hors période de campagne médiatique. Une cinquantaine sont renvoyés à l'écoute 2, dont 50 % sont des fumeurs très dépendants.
* L'annonce de l'interdiction de fumer dans les entreprises à partir du 1er février 2007, accompagnée d'une campagne télévisée, a contribué largement à motiver les fumeurs à l'arrêt du tabac et à faire la promotion de Tabac Info Service.
** Arrêté du 25 avril 2002.
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