PRATIQUE
Dans les dispensaires antivénériens
Maladie devenue très rare depuis 1990, la syphilis réapparaît en France. Depuis 1998, le nombre de cas répertoriés dans les dispensaires antivénériens associés aux services de dermatologie des hôpitaux parisiens (Cochin, Tarnier, Saint-Louis et Bichat) a doublé, passant de 1 à 5 cas par an à 10 à 15 cas ; au cours des six premiers mois de l'année 2001, il y a eu autant de nouveaux cas de syphilis primaire et secondaire (22 cas) qu'au cours de l'année 2000.
Cette résurgence de la syphilis précoce s'inscrit dans le cadre d'une recrudescence des gonococcies, notamment dans les groupes à risque.
Les syphilis symptomatiques (chancre ou éruption cutanée lorsque le chancre est passé inaperçu) sont décelées dans 50 % des cas chez des patients infectés par le VIH.
L'aspect clinique de ces syphilis et de ces gonococcies reste classique, sauf en ce qui concerne la topographie des lésions. Les lésions extragénitales sont fréquentes : chancre pharyngé de l'amygdale, ulcération de la muqueuse buccale (lèvre, langue) pour la syphilis ; gonococcie pharyngée souvent associée à une gonococcie urétrale.
Cette augmentation de la syphilis, sans être très importante, est préoccupante : elle s'explique en partie par l'arrivée des prostituées des pays de l'Est qui échappent à toute surveillance médicale, mais aussi par une négligence de la prévention, une diminution de l'utilisation des préservatifs par les patients séropositifs qui se croient protégés par les traitements antirétroviraux, et pour lesquels la fellation apparaît à moindre risque de transmission du VIH.
En outre, l'évolution spontanément régressive des lésions précoces et le polymorphisme clinique au stade secondaire participent au retard du diagnostic et au risque de propagation de la maladie aux partenaires.
Aujourd'hui, une ulcération génitale et/ou extragénitale selon le contexte, ou une éruption cutanée qui ne fait pas sa preuve, doit faire suspecter une syphilis et impose des examens complémentaires pour confirmer le diagnostic.
1) La syphilis au stade du chancre
- Ne pas appliquer d'antiseptique ou d'antibiotique sur la lésion, ne pas administrer d'antibiotique par voie générale avant le prélèvement destiné à rechercher le tréponème et les autres causes d'ulcérations (herpès, gonococcie, infection à chlamydia, etc.).
- Faire pratiquer une sérologie tréponémique qui doit légalement comporter un test « spécifique » du tréponème, soit le TPHA, soit le FTA, et un test non spécifique, habituellement le VDRL.
Le laboratoire doit rendre des résultats non seulement qualitatifs mais aussi quantitatifs.
Il faut rappeler que la réaction sérologique ne devient positive qu'au 10e-12e jour du chancre, avec d'abord un titre peu élevé ; le TPHA et le VDRL sont très nettement positifs au 2e mois.
2) Au stade d'éruption (éruption identique à celle du tableau classique), le dépistage passe par la sérologie tréponémique qui est alors très fortement positive.
Mais, quel que soit le stade, chancre ou éruption secondaire, le statut VIH du patient doit être connu en raison d'un risque d'évolution rapide de la syphilis chez les sujets infectés par le VIH, et notamment de l'évolution vers une neurosyphilis précoce.
3) En cas de dépistage d'une sérologie tréponémique chez un sujet apparemment indemne de signes cliniques
Dans cette situation fréquente (sérologie systématique demandée dans le contexte d'examens prénataux et de dons de sang), la sérologie doit être interprétée en fonction de l'origine ethnique, de la clinique et de l'anamnèse (notion de traitement antérieur).
Toutefois, elle ne permet pas de différencier une trépanomatose endémique (pian) d'une cicatrice sérologique ou d'une syphilis sérologique latente. En l'absence de données, les patients reçoivent un seul traitement et on leur délivre un certificat le confirmant.
Le traitement de la syphilis fait toujours appel aux pénicillines administrées par voie intramusculaire :
- il repose sur une seule injection d'une pénicilline retard (Extencilline 2,4 millions d'unités), sauf chez les sujets séropositifs (VIH+) qui reçoivent trois injections à une semaine d'intervalle, s'il ne s'agit pas d'une syphilis précoce ;
- au cours d'une syphilis secondaire chez un sujet VIH+, l'apparition de signes neurologiques impose une ponction lombaire, et si le diagnostic de syphilis neurologique est confirmé, un traitement par la pénicilline administré en perfusion intraveineuse : de 3 à 4 x millions d'U toutes les quatre heures pendant quinze jours.
Le traitement de la gonococcie, dont la durée d'incubation est très courte (3 jours), doit être rapidement efficace et prescrit dès que le diagnostic est confirmé par les examens (prélèvement urétral chez l'homme, prélèvement cervical chez la femme, prélèvement pharyngé, de l'amygdale) ou qu'il est fortement suspecté sans attendre le résultat des cultures.
Dans 30 % des cas, la gonococcie est associée à une chlamydiase ; le traitement fait appel à un antibiotique actif sur le gonocoque et le chlamydia : une céphalosporine de type Rocéphine (une ampoule à 500 mg) associée à une cycline ou un nouveau macrolide (Zithromax monodose).
D'après un entretien avec le Pr Béatrice Crickx (service de dermatologie, hôpital Bichat, Paris).
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