Comme l'a rappelé Charles Pollack (Pennsylvania Hospital, Philadelphie), les syndromes coronaires aigus représentent la cause la plus fréquente de mortalité aux Etats-Unis. Chaque année, 1,1 million d'Américains sont victimes d'un infarctus du myocarde (IDM), dont un tiers en meurt. En Europe, 600 000 patients, parmi lesquels environ 100 000 Français présentent un IDM. Deux millions d'Américains sont hospitalisés chaque année en unité de soins intensifs pour un syndrome coronaire aigu, dont 1,4 million sans élévation du segment ST. La mortalité au cours des sept premiers jours suivant l'épisode aigu est comprise entre 2 et 5 % suivant les données. Environ quatre patients sur dix développent une insuffisance cardiaque clinique ou une dysfonction ventriculaire gauche, leur risque de décès est multiplié par quatre par rapport aux sujets qui ont un infarctus non compliqué. Pour les experts, ces données épidémiologiques illustrent non seulement la nécessité d'améliorer encore la prise en charge thérapeutique, mais aussi de mieux évaluer les patients à risque et de mieux utiliser les traitements disponibles.
Avantages et limites de la troponine
La stratification du risque est en effet l'un des moyens d'optimiser la prise en charge. Comme l'a souligné le Pr Alec Vahanian (Paris), plusieurs éléments cliniques et paracliniques doivent être pris en compte. Un âge supérieur à 65 ans, une insuffisance rénale, un diabète (30 % des patients qui présentent un IDM sont diabétiques), une symptomatologie atypique sont autant de facteurs de mauvais pronostic. Les caractéristiques de l'ECG ne doivent pas être négligées. Un sous-décalage de ST est associé à un risque d'événements plus élevé. L'amplitude des anomalies et les modifications des électrocardiogrammes successifs sont également des éléments à prendre en compte.
Qu'en est-il des marqueurs biologiques ? Dans le cadre d'un syndrome coronaire aigu, une augmentation de la troponine multiplie par neuf le risque de décès et d'infarctus à 30 jours. Son taux et surtout sa cinétique sont des éléments d'orientation diagnostique, notamment face à une douleur thoracique sans signes électrocardiographies patents, et dans l'évaluation du risque, mais il ne faut pas oublier que la troponine peut être augmentée dans d'autres pathologies (myocardite, embolie pulmonaire, insuffisance cardiaque aiguë, etc.). Enfin, note le spécialiste français, l'absence d'augmentation de ce marqueur ne permet pas en soi d'affirmer que le patient n'est pas à risque. Il faut donc le considérer dans le cadre d'une évaluation globale.
En ce qui concerne la CRP et le BNP, dont on parle beaucoup, leur valeur pronostique indépendante a été démontrée, mais seuls des essais cliniques complémentaires permettront de préciser leur place.
Améliorer la prise en charge des patients à risque
Il existe plusieurs scores prédictifs (TIMI, PURSUIT, GRACE) qui, en prenant en compte l'ensemble des facteurs cliniques et paracliniques, devraient aider le praticien à évaluer le risque de chaque patient pour lui proposer le traitement le mieux adapté. En effet, ce sont les patients à risque élevé qui doivent bénéficier d'une prise en charge « agressive », avec, au premier plan, une intervention de revascularisation, car ce sont eux qui en tireront le meilleur bénéfice.
Ces interventions, thrombolyse et angioplastie primaire (avec pose de stent), ont constitué une étape décisive dans la prise en charge de l'infarctus à sa phase aiguë. Elles ont transformé le pronostic à court terme, mais aussi à moyen et à long terme. De nombreuses communications leur ont encore été consacrées lors de ce congrès. En effet, les discussions sur l'efficacité respective de ces deux techniques de revascularisation continuent. Il semble que les conditions imposant le choix de l'une ou l'autre soient maintenant bien définies. Comme l'a rappelé Charles Pollack, quel que soit le geste, le facteur temps est essentiel dans la prise en charge de tout accident coronaire aigu. L'un des principaux critères pour la thrombolyse préhospitalière est le délai, puisque l'ensemble des données montrent qu'elle doit être réalisée dans les trois heures suivant le début des symptômes. Cette procédure exige donc une très bonne organisation des services de secours d'urgence. Les résultats sont très divers d'un pays à l'autre et d'une région à l'autre. Quant à l'angioplastie primaire, elle est préférée en cas de contre-indication à la thrombolyse, si les symptômes ont débuté depuis plus de 3 heures, chez les sujets de plus de 75 ans, en cas de choc cardiogénique ou de fibrillation auriculaire, note pour sa part David Faxton (Chicago). Mais, là aussi, le délai est un facteur déterminant : plus vite elle est réalisée, meilleurs sont les résultats. Par ailleurs, l'intérêt de la pose systématique d'un stent lors de l'angioplastie n'est plus discuté.
L'intérêt des IEC et des statines
En ce qui concerne le traitement pharmacologique, les experts s'accordent à associer : héparine, aspirine, clopidogrel, bêtabloquant, nitrate ± inhibiteur des récepteurs gpIIb/IIIa. Comme le souligne le Pr Alec Vahanian, à la sortie, les recommandations américaines et européennes sont convergentes : un antiplaquettaire, un bêtabloquant, un IEC, surtout en cas d'insuffisance cardiaque ou de dysfonction ventriculaire gauche, et une statine. Si les deux premiers doivent être prescrits à tous les patients, la place exacte des IEC et des statines devrait être prochainement mieux définie. En effet, l'étude EUROPA a montré qu'un IEC était aussi bénéfique à long terme chez les patients indemnes d'insuffisance cardiaque que chez les sujets dont l'infarctus est compliqué d'une dysfonction ventriculaire ou d'une insuffisance cardiaque patente. La prescription systématique d'un IEC à tous les malades ayant présenté un infarctus du myocarde, indépendamment de la présence ou non de facteurs de risque et d'une dysfonction ventriculaire gauche ou d'insuffisance cardiaque est donc d'actualité. Même évolution concernant les statines. L'étude HPS a en effet mis en évidence le bénéfice d'une statine indépendamment du taux de LDL cholestérol. L'essai LIPS a, quant à lui, montré l'efficacité de la fluvastatine chez des patients ayant subi une angioplastie quel que soit leur taux de cholestérol. Outre les médicaments, il ne faut pas oublier que la prévention secondaire comprend l'arrêt du tabac, encore très insuffisant, et la réhabilitation cardiaque, comme la prise en charge des autres facteurs de risque (HTA, diabète, obésité, etc.).
D'après les communications de Charles Pollack (Philadelphie), AlecVahanian (Paris), Ellliot Antman (Boston), David Faxon (Chicago) et Kristin Newby (Durham).
Des protocoles thérapeutiques standardisés
Aux Etats-Unis, « Get with the guidelines », un programme national pour l'amélioration de la qualité de prise en charge des patients hospitalisés pour un accident cardio-vasculaire, commence à être mis en place. Les premiers résultats concernant 123 hôpitaux et 27 825 patients montrent que la formation des médecins et l'élaboration de protocoles standardisés et systématisés améliorent de façon très significative l'application des recommandations thérapeutiques. Après quelques mois, le pourcentage de patients recevant l'ensemble des médicaments ayant prouvé leur efficacité a fortement augmenté, tout comme la prescription d'une rééducation cardiaque et l'aide au sevrage tabagique. Autre bénéfice : une meilleure prise en charge des femmes, qui, trop souvent encore, ne bénéficient pas du même niveau de qualité que les hommes. Actuellement, le programme « Get with the guidelines » concerne 40 hôpitaux et plus de 60 000 patients. L'amélioration de la prise en charge de l'IDM, l'une des priorités de l'American Heart Association, vise aussi à favoriser l'observance thérapeutique.
Dr M. J.
D'après la communication de Richard C. Pasternak (Boston).
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