La maladie de Gougerot-Sjögren est une maladie auto-immune relativement fréquente puisqu'elle touche de 0,2 à 0,4 % de la population, soit presque autant que la polyarthrite rhumatoïde et bien plus que le lupus.
La majorité des patients présente la triade symptomatique suivante : sécheresse, oculaire et buccale (plus rarement vaginale, bronchique,...), douleurs ostéo-articulaires (parfois une vraie polyarthrite) et grande fatigue. Des complications systémiques peuvent concernées plusieurs organes (poumons, reins, système nerveux) et un lymphome peut venir émailler l'évolution de 5 % des patients.
Le premier problème présenté par la maladie de Gougerot-Sjögren est d'ordre diagnostique. En effet, la triade symptomatique est relativement fréquente dans la population générale, et le diagnostic peut donc être posé par excès. Ce qui a amené les scientifiques à exiger des critères immunologiques consensuels avant de parler de maladie de Gougerot-Sjögren auto-immune, critères appelés aujourd'hui « Européens révisés ».
Le second problème est l'évaluation de la qualité de vie des patients, élément essentiel dans toute maladie chronique. Mais encore faut-il poser exactement le diagnostic.
C'est dans cet objectif qu'une consultation pluridisciplinaire a été crée à l'hôpital de Bicêtre il y a 1dix-huit mois. Le patient y rencontre le même jour différents spécialistes (ORL, stomato, ophtalmo, rhumatologue et psychiatre) et subit des examens biologiques standardisés. Depuis l'ouverture de cette consultation, 170 patients ont été vus. Certains ont une véritable maladie de Gougerot-Sjögren (les deux tiers), les autres (un tiers) présentent un syndrome sec, quelquefois uniquement subjectif, sans maladie immunologique.
Dans une étude menée par le Pr Xavier Mariette, 123 patients ont été soumis au questionnaire de qualité de vie SF36, questionnaire générique le plus utilisé dans la population générale et dans de nombreuses maladies chroniques, ainsi qu'au questionnaire psychiatrique SCL90, questionnaire parfaitement validé pour déterminer certains profils psychologiques : angoisse, dépression, somatisation...
Sur ces 123 patients, 84 avaient un syndrome de Gougerot-Sjögren selon les critères européens révisés, 39 un syndrome sec. L'âge moyen était de 57 ans et le sex-ratio (le même dans les deux groupes) correspondait à celui de la maladie (1 homme pour 9 femmes).
Une étude sur 123 patients
A l'issue de l'étude, les instigateurs se sont aperçu qu'il n'y avait aucune différence de qualité de vie entre les patients atteints de la maladie de Gougerot-Sjögren et ceux présentant seulement un syndrome sec. Le score agrégé physique et le score agrégé mental étaient abaissés de manière identique dans les deux groupes. Seule petite différence : le score mesurant l'activité physique était un peu plus limité chez les patients présentant une maladie de Gougerot-Sjögren.
Les auteurs ont alors comparé les scores de qualité de vie à ceux de populations de référence (population française, population atteinte de PR et population atteinte de lupus). Et chose surprenante, ils se sont rendu compte que la qualité de vie était plus altérée dans la maladie de Gougerot-Sjögren que dans la polyarthrite rhumatoïde (dans laquelle les patients présentent des destructions articulaires et donc une gêne fonctionnelle importante) et beaucoup plus que dans le lupus.
Des comparaisons ont été faites entre ces résultats de qualité de vie et ceux de différentes échelles visuelles analogiques (EVA) déterminées par le malade. Une très bonne corrélation existait entre l'EVA douleur et les scores résumant la qualité de vie, de même qu'entre l'EVA fatigue et ces mêmes scores.
Aucune différence du score psychiatrique évalué par le questionnaire SCL90 n'a été notée entre les deux groupes. Ce qui veut dire, là encore, que les anomalies psychiques sont les mêmes entre la maladie de Gougerot-Sjögren auto-immune et le syndrome sec, cette constatation allant à l'encontre de l'idée a priori que les patients ayant un syndrome sec sans maladie auto-immune présentaient un profil psychique particulier. « Cela veut probablement dire, souligne le Pr Mariette, que les patients atteints de syndrome sec ou de la maladie de Gougerot-Sjögren ont une qualité de vie si altérée qu'ils finissent par présenter des signes de dépression et d'anxiété secondaires. Par ailleurs, il n'a pas été possible de déterminer un profil psychologique spécifique de l'une ou l'autre entité qui aurait pu donner des arguments pour une origine essentiellement psychosomatique des syndromes secs sans maladie auto-immune. » Il faut noter, ici aussi, que le score agrégé mental du SF36 corrélait parfaitement avec le SCL90.
« Il faut retenir de cette étude, conclut le Pr Mariette, la qualité de vie très altérée de ces patients par rapport notamment à celle d'autres maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde et le lupus, l'absence de différence de qualité de vie et le même score psychique entre les deux groupes, en soulignant l'excellente corrélation des scores mesurés par plusieurs outils. »
D'après un entretien avec le Pr Xavier Mariette, hôpital de Bicêtre.
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