De notre correspondante
à New York
« C'est la première démonstration qu'il existe des altérations moléculaires importantes dans le côlon des individus souffrant du côlon irritable », déclare au « Quotidien » le Dr Peter Moses (University of Vermont College of Medicine), qui, avec le Dr Gary Mawe (même université), a codirigé cette étude sponsorisée par Novartis Pharmaceuticals. Tous deux ont présenté les résultats de cette étude au 68e Congrès de l'American College of Gastroenterology.
Induction de la motilité et de la sécrétion
« La sérotonine est une molécule de signal qui joue un rôle crucial pour la fonction normale de l'intestin : lorsqu'elle est libérée, elle induit la motilité et la sécrétion intestinale et envoie des signaux vers le cerveau et la moelle épinière », explique le Dr Moses, dans un communiqué. « Notre découverte, à savoir que des éléments clés du signal sérotonine sont modifiés dans le syndrome du côlon irritable, rend crédible la notion que le syndrome du côlon irritable n'est pas simplement un trouble psychologique ou social comme on l'a pensé, mais qu'il est dû à une altération de la biochimie intestinale et des interactions entre l'intestin et le cerveau. »
La sérotonine (5-HT) est un neurotransmetteur et une molécule de signal qui joue un rôle clé dans l'intestin. Sa libération par les cellules endocrines de l'intestin déclenche les réflexes péristaltiques et sécrétoires et envoie des signaux au cerveau. Les transporteurs (SERT) de la sérotonine « re-capturent » la sérotonine une fois qu'elle est libérée et régulent ainsi son action au sein des terminaisons nerveuses des voies gastro-intestinales, afin de coordonner la motilité et la sécrétion intestinale et la sensibilité viscérale.
Depuis quelque temps, les chercheurs soupçonnent que des altérations de la sérotonine pourraient contribuer à des troubles des voies digestives.
Moses et coll. ont examiné des biopsies du côlon chez 25 témoins en bonne santé, 32 patients souffrant de côlon irritable et 22 patients atteints de maladie inflammatoire intestinale (rectocolite hémorragique ou RCH).
Ils ont mesuré le contenu en sérotonine, le nombre des cellules endocrines, la libération de sérotonine et la présence des transporteurs de la sérotonine (SERT).
Les résultats montrent que, comparés aux témoins, les patients souffrant d'un syndrome de côlon irritable ont une diminution du contenu en sérotonine, une augmentation des cellules endocrines intestinales, une libération normale de sérotonine et une expression très réduite des transporteurs SERT (ARNm et immunoréactivité).
Les patients affectés de RCH ont, comparés aux témoins, un nombre réduit des cellules endocrines, une diminution du contenu en sérotonine et une expression très réduite des transporteurs SERT.
« La baisse d'expression du transporteur SERT, chez les patients souffrant d'un syndrome du côlon irritable et les patients affectés d'une maladie inflammatoire intestinale, se traduit par une baisse de la capacité à éliminer la sérotonine une fois libérée et, par conséquent, augmente la disponibilité de la sérotonine », concluent les chercheurs.
Cette disponibilité accrue pourrait ainsi entraîner des modifications de motilité, de sécrétion et de sensibilité.
Un Américain sur cinq souffre d'un syndrome du côlon irritable, selon le National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases (NIH). Ce syndrome, caractérisé par des crampes abdominales douloureuses, un ballonnement, la constipation et la diarrhée, touche plus souvent les femmes et débute habituellement vers l'âge de 20 ans.
Il semble que ces patients ont un côlon plus sensible et plus réactif à des facteurs variés, dont certains aliments et le stress. Le système immunitaire, qui combat l'infection, pourrait aussi jouer un rôle.
La plupart des patients contrôlent leur symptômes par un changement alimentaire, la réduction du stress et divers médicaments. Mais, pour certains, le syndrome peut être invalidant, gênant la vie professionnelle ou sociale.
68e Congrès annuel de l'American College of Gastroenterology, Baltimore.
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