Syndrome d'Ehlers-Danlos : une forme distincte par déficit en tenascine-X

Publié le 17/10/2001
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Sous le nom de syndrome d'Ehlers-Danlos, on désigne une famille d'affections génétiquement hétérogènes, touchant le tissu conjonctif, et caractérisées par une extensibilité anormale de la peau, une hyperlaxité ligamentaire et une fragilité tissulaire qui se traduit par l'apparition de bleus au moindre choc.

Une disposition anormale des fibrilles de collagène dans la peau a d'abord orienté les recherches vers les gènes codant les différents collagènes. Effectivement, dans le gène du collagène V, des mutations d'expression dominante ont été retrouvées dans une proportion de cas comprise entre 30 et 50 %. Pour la moitié au moins des patients, on est donc toujours à la recherche de gènes candidats.

Des protéines de la matrice extracellulaire

L'équipe américano-néerlandaise s'est orientée vers le gène de la tenascine-X. Pour ce faire, elle disposait de deux arguments. D'une part, les ténascines - il en existe trois - sont des protéines de la matrice extracellulaire, fonctionnellement plausibles dans l'affection. D'autre part, un patient index avait été identifié, porteur d'une large délétion emportant une partie du gène de la tenascine-X et la totalité du gène adjacent, le gène CYP21, qui code la stéroïde 21 hydroxylase. Ce patient était simultanément atteint d'un syndrome d'Ehlers-Danlos et d'hyperplasie congénitale des surrénales.
La tenascine-X ainsi que la tenascine-C ont donc été recherchées dans le sérum de 151 patients atteints du syndrome d'Ehlers-Danlos et, à titre de contrôle, chez 75 patients atteints de psoriasis, 93 atteints d'arthrite rhumatoïde et 21 sujets sains.
Chez cinq patients non apparentés, diagnostiqués comme porteurs du syndrome, la tenascine-X s'est révélée absente du sérum. Chez ces patients, la protéine n'a, en outre, pu être détectée dans la peau, alors que la tenascine-C et le collagène V étaient normalement présents. Enfin, le gène de la tenascine-X a été séquencé chez les cinq patients : dans quatre cas, une délétion ou une insertion décalant le cadre de lecture ont pu être mises en évidence à l'état homozygote dans le gène. Dans le cinqième cas, seule une délétion hétérozygote a pu être montrée, l'autre allèle ne portant que des polymorphismes apparemment sans effets dans la population générale.

Une transmission récessive

Malgré ce cinquième cas, on peut penser que l'on a affaire à une transmission récessive. Les pedigrees et l'analyse du gène chez certains parents et frères ou sœurs de patients sont d'ailleurs aussi en faveur d'une transmission récessive. Les formes « classiques » du syndrome d'Ehlers-Danlos étant transmises sur un mode dominant, le déficit congénital en tenascine-X apparaît comme une forme génétiquement distincte.
Cliniquement aussi, d'ailleurs, ce déficit semble comporter une spécificité. Si les principaux critères diagnostiques ont été retrouvés chez les cinq patients, les cicatrices atrophiques, elles, semblent absentes. Elles constituent pourtant un critère majeur.
Les auteurs concluent donc que la déficience congénitale en tenascine-X est une forme génétiquement et cliniquement distincte du syndrome d'Ehlers-Danlos. « Ce diagnostic mériterait d'être évoqué chez un patient atteint du syndrome, mais ne présentant aucune cicatrice atrophique, et/ou dont la maladie n'affecte qu'une génération. Pour les formes de syndrome d'Ehlers-Danlos qui ne semblent relever ni du collagène V ni de la tenascine-X, il faudra trouver d'autres gènes. La mise en cause de la tenascine-X dans une forme rare du syndrome a au moins le mérite de montrer que les recherches ne doivent pas se focaliser sur les collagènes et les enzymes dont ils dépendent. »

J. Schalkwijk et coll. « N. Engl. J. Med », vol. 345, n° 16, 18 octobre 2001.

Vincent BARGOIN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6991