PRATIQUE
I. PEU DE MEDECINS ONT L'EXPERIENCE
Le syndrome d'Elhers-Danlos est très rare. Peu de médecins en ont l'expérience. Le diagnostic est trop souvent tardif. Des décisions thérapeutiques inappropriées, chirurgicales notamment, sont parfois prises inopinément. C'est dire que les chirurgiens orthopédistes, aussi bien que chirurgiens digestifs, doivent être particulièrement avertis.
II. TABLEAUX CLINIQUES
Plusieurs tableaux cliniques peuvent se constituer et il n'est pas toujours facile de faire le diagnostic devant un regroupement de symptômes et des signes qui, isolément, ne sont pas significatifs et peuvent même être trompeurs.
Il y a dans les formes les plus fréquentes un regroupement particulièrement évocateur, centré essentiellement sur des manifestations musculo-articulaires.
1) Hypermobilité articulaire avec laxité articulaire excessive des doigts et des poignets, du coude (recurvatum), des genoux (lrecurvatum) et des subluxations (épaules, hanches, genoux...) plus ou moins associée à des entorses (chevilles, genoux, épaules, voire de la colonne cervicale), volontiers répétitives et réagissant mal aux traitements usuels (immobilisation et chirurgie réparatrice).
2) Fragilité et « hyperétirabilité » cutanées
Les manifestations cutanées sont diversifiées, on rencontre la possibilité d'étirer la peau, notamment au coude, de façon nettement excessive, des lenteurs de la cicatrisation et une mauvaise qualité des cicatrices.
3) Douleurs
Elles sont fréquentes, à un moment ou un autre de l'évolution du syndrome. Elles ont pour caractéristiques d'être diffuses et parfois très intenses. Elles vont grandement conditionner la tolérance du syndrome et ses retentissements fonctionnels et situationnels (handicaps).
4) Fatigabilité
C'est un symptôme particulièrement handicapant. Il se manifeste par une asthénie et une gêne musculaire qui viennent s'ajouter aux douleurs périarticulaires pour limiter les capacités fonctionnelles. Elle s'accompagne d'une sensation diffuse d'épuisement et de lassitude avec parfois des envies de dormir irrépressibles.
5) Fragilité vasculaire
Elle peut être à l'origine de la survenue de manifestations hémorragiques cutanées ou muqueuses en l'absence de trouble associé de la crase sanguine.
6) Autres manifestations
D'autres manifestations peuvent s'observer dans le SED : des manifestations digestives sévères pouvant aboutir à des exérèses intestinales étendues, des manifestations rachidiennes (scolioses, instabilité du rachis cervical), une atteinte des appareils auditif (surdité), oculaire, dentaire (déchaussements), une incontinence urinaire à l'effort, des manifestations cardio-vasculaires (chute tensionnelle, pouls lent, anévrysmes).
III. MEDECINE DE REEDUCATION
La médecine de rééducation est aujourd'hui la seule thérapeutique qui puisse être efficacement proposée. Notre expérience porte sur la prise en charge d'une trentaine de cas, suivis en ambulatoire au CHU Henri-Mondor. Elle a les grandes orientations suivantes.
1) Stabiliser les articulations
Les moyens utilisés sont les orthèses de contention élastiques, les orthèses plantaires, les ceintures lombaires, le renforcement (contractions isométriques ou par électrothérapie) des muscles stabilisateurs, des grosses articulations. La kinébalnéothérapie est particulièrement indiquée ici. L'utilisation de la méthode de l'évocation de l'image mentale de la contraction musculaire a probablement aussi des indications, puisqu'il s'agit de muscler sans provoquer de douleur. Des orthèses rigides peuvent aussi être utilisées dans certaines formes articulaires sévères.
2) Lutter contre les douleurs
Les moyens suivants ont démontré leur efficacité : orthèses de repos du poignet, des chevilles, des genoux, surtout nocturnes ; écharpes de soutien de l'épaule avec appui sous le coude (type Montréal), matelas antiescarres à plots, coussins antiescarres, coques moulées dans certaines formes très sévères.
Certains traitements locaux sont efficaces : le froid (de 15 à 20 minutes), les infiltrations de corticoïdes et d'anesthésiques pour certaines tendinites particulièrement algiques, gels locaux ; stimulation électrique transcutanée par des courants de basse fréquence à l'aide de stimulateurs portables (TENS).
Une action sur l'organisation des activités, au mieux avec l'aide d'un ergothérapeute, qui doit intervenir au domicile, s'impose. Il s'agit d'organiser les activités physiques, prévenir les surcharges d'activité physique (statique et dynamique), marquer des temps de repos. L'usage de cannes, d'un fauteuil roulant mécanique ou électrique sont des moyens de maintenir l'autonomie de déplacement en évitant les douleurs. La lutte contre la fatigue musculaire et le renforcement musculaire ont un effet secondaire sur la survenue des douleurs.
3) Lutter contre la sensation de fatigue
L'usage des contentions élastiques (bas, orthèses articulaires souples, combinaisons de type « plongée ») ont pour effet de potentialiser et d'améliorer l'efficience musculaire, contrairement à l'idée reçue, qu'il faut combattre, selon laquelle il faut craindre une atrophie musculaire.
La rééducation à l'effort (efforts brefs de une ou deux minutes, intensifs, alternés), sur cycle ergonomique, est un moyen qui doit être tenté pour améliorer, par une action générale, l'efficacité musculaire. Les efforts brefs et intensifs ayant la propriété d'améliorer les capacités oxydatives des membranes musculaires. Les manipulations vertébrales sont évidemment fortement contre-indiquées. Les indications de chirurgie fonctionnelle doivent être très, très prudentes, qu'il s'agisse de chirurgie orthopédique ou de chirurgie pelvienne. Elles doivent en tout cas être discutées préalablement avec un médecin-rééducateur pour envisager une stratégie fonctionnelle cohérente qui intègre toutes les possibilités de la thérapeutique.
4) Une action de réadaptation doit être entreprise simultanément à celle de la rééducation, avec l'objectif de maintenir et de développer l'activité sociale dans un contexte aussi proche des habitudes sociales que possible (école, travail, loisirs).
Les lois sociales sont d'une aide précieuse pour contribuer au bien-être de ces patients et de leur famille. La reconnaissance en tant que maladie avec soins de longue durée doit être systématique. La reconnaissance de travailleur handicapé auprès des COTOREP peut être utile, surtout si elle débouche sur une orientation professionnelle adaptée. Etant donné les difficultés à se déplacer, l'obtention du macaron autorisant le stationnement sur les emplacements réservés est une nécessité. Des difficultés persistent encore auprès des COTOREP pour faire reconnaître la réalité des difficultés rencontrées par les personnes avec SED. Des actions sont à entreprendre pour faire tomber ces préjugés médicaux et ne pas considérer que ces douleurs mal expliquées sont simulées mais bien réelles.
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