De notre correspondante
à New York
« C'est, à ma connaissance, le premier modèle biologique d'un trouble du rythme circadien dans une maladie génétique, et il est bien rare de trouver un traitement qui améliore les troubles du sommeil et du comportement dans une maladie génétique », annonce au « Quotidien » le Dr Hélène De Leersnyder, qui a mené ces travaux avec son équipe à l'hôpital Necker - Enfants-Malades (Paris), à Paris.
Le syndrome de Smith-Magenis, identifié en 1982, est une affection rare associant un retard mental à de multiples anomalies congénitales. Il est dû à une délétion de novo du chromosome 17 (del 17p11.2). Il concernerait une naissance sur 25 000. Ce syndrome, sous-diagnostiqué, comprend des anomalies cranio-faciales typiques, des mains courtes et trapues, une petite taille, parfois des malformations d'organes, un retard mental et, enfin, des troubles sévères du sommeil et du comportement (hyperactivité, déficit de l'attention, automutilation).
Inversion du rythme circadien de l'hormone
Les troubles du sommeil majorent les difficultés de ces enfants et perturbent le sommeil des parents. Ils s'endorment tôt, se réveillent la nuit plusieurs fois, de façon prolongée, et se réveillent tôt vers 4 ou 5 heures. Dans la journée, ils ont des baisses de vigilance et font à midi une sieste de deux heures.
En dosant la mélatonine plasmatique, le Dr Hélène De Leersnyder et son équipe ont découvert chez ces enfants une inversion complète de sa sécrétion. Alors que l'hormone est normalement sécrétée la nuit, avec un pic à minuit, les enfants la sécrètent le jour, avec un pic à midi.
On peut corréler cette sécrétion inversée aux troubles du comportement et du sommeil. De fait, les enfants luttent contre le sommeil dans la journée, font des colères lorsque la mélatonine s'élève, s'endorment à midi au moment du pic et ne peuvent maintenir un sommeil de qualité la nuit.
Ces enfants pourraient présenter un nouveau syndrome d'avance de phase de sommeil, « une symptomatologie rare en dehors des personnes âgées », selon le Dr De Leersnyder.
L'équipe a évalué d'abord un traitement par bêtabloquants afin de supprimer la sécrétion diurne de mélatonine. En effet, la glande pinéale qui la sécrète est innervée par le système sympathique et les bêtabloquants réduisent la production de mélatonine.
Dix enfants ont été traités par acétabutolol (10 mg/kg) pendant six mois. Comme l'espérait l'équipe, la suppression de la mélatonine dans la journée a entraîné une nette amélioration du comportement. Ils sont plus calmes, moins coléreux, se concentrent mieux et ne dorment plus dans la journée.
Bâtabloquant le matin, mélatonine le soir
Dans une seconde étude, chez ces mêmes enfants sous bêtabloquant, ils ont ajouté de la mélatonine le soir (6 mg à libération prolongée) afin de restaurer le rythme de sommeil. Les résultats, avec un suivi de six mois, sont publiés dans le « Journal of Medical Genetics ». Ils sont excellents. Il n'y a plus de sécrétion dans la journée et le cycle normal de mélatonine dans la nuit est restauré. Le sommeil de tous les enfants s'améliore, il n'y a plus d'éveils nocturnes et le lever est retardé d'une heure. « La vie familiale s'est trouvée transformée », se réjouit le Dr De Leersnyder.
Les chercheurs n'ont pas encore d'explication à l'inversion du cycle de l'hormone et ne savent pas pourquoi la glande pinéale secrète la mélatonine malgré une stimulation lumineuse. La clé pourrait se trouver parmi la quarantaine de gènes délétés dans le syndrome de Smith-Magenis, mais tous ne sont pas identifiés et leur fonction est inconnue.
Le Dr De Leersnyder poursuit ses travaux avec l'essai de nouvelles thérapeutiques. En outre, confie-t-elle au « Quotidien », « je mets au point, en collaboration avec le NIH, des modèles d'investigation clinique (questionnaires, enregistrements actimétriques) pour préciser le diagnostic de la maladie et construire un outil de dépistage, de suivi et de pronostic ».
« Journal of Medical Genetics », 2003 janvier 2003; 40 (1) : 74-78.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature