Syndrome de Kostmann : un défaut d'immunité innée responsable de la périodontite

Publié le 13/10/2002
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L'immunité innée, dont on fait remonter l'apparition dans l'évolution à quelque 400 millions d'années, s'est développée et maintenue chez tous les organismes végétaux et animaux actuels. Elle repose sur des peptides capables de déstabiliser les membranes bactériennes, et donc dotés d'une activité antimicrobienne. Dans les organismes ayant acquis une immunité évoluée, ces peptides jouent apparemment aussi le rôle de chimiokines, en attirant les cellules de l'immunité adaptative sur le site de la lésion.

Plus de 700 peptides antibactériens ont été recensés dans le règne végétal et le règne animal. On distingue deux groupes, les défensines et les cathélicidines. Chez l'homme, une vingtaine de loci codent des défensines alpha, principalement produites dans les neutrophiles, et des défensines bêta, produites dans les cellules épithéliales. En revanche, une seule cathélicidine existe, dite LL-37.
Depuis quelques années, les indications se sont accumulées en faveur d'un rôle majeur de ces peptides antibactériens dans l'équilibre de la flore commensale de la cavité buccale. Le LL-37, en particulier, est actif contre Actinobacillus actinomycetemcomitans, commensal dont la prolifération excessive a été associée aux gingivites et périodontites.

Une famille prise comme modéle

L'affection dans laquelle les auteurs suédois ont étudié l'immunité innée est le syndrome de Kostmann. Il s'agit d'une neutropénie très rare, identifiée dans la famille qui lui a donné son nom, mais dont on connaît des cas sporadiques. Contrairement à la plupart des neutropénies héréditaires, qui se transmettent sur un mode dominant (et à l'origine desquelles on soupçonne une mutation du gène de l'élastase), le syndrome de Kostmann se transmet sur un mode récessif. Jusqu'au milieu des années soixante-dix, son issue restait généralement fatale. Les antibiotiques ont progressivement amélioré le tableau, jusqu'à l'arrivée du G-CSF, au début des années quatre-vingt-dix, qui a pratiquement permis de normaliser la neutropénie.
Si le taux de cellules est restauré, leur fonctionnalité, en revanche, reste imparfaite. Les infections sont à peu près contenues, avec des antibiotiques, quand c'est nécessaire. En revanche, on constate la persistance de périodontites destructives très sévères, derrière lesquelles on peut supposer un défaut de l'immunité innée.
C'est l'hypothèse que les auteurs ont vérifiée chez quatre patients apparentés, atteints de syndrome de Kostmann, chez un patient atteint d'une forme sporadique de la maladie, chez un patient atteint d'une neutropénie cyclique et chez 22 témoins. Des dosages des peptides antibactériens, du LL-37 et de la cathéline-LL-37 (précurseur du LL-37), ont été réalisés dans les neutrophiles, le plasma et la salive. Ils indiquent une absence complète de LL-37 et de son précurseur chez trois patients atteints de syndrome de Kostmann, ainsi qu'un taux de peptides antibactériens de l'ordre de 30 % du taux témoin.
Le quatrième patient est un cas particulier : il avait subi une greffe de moelle, et son état dentaire était satisfaisant. Chez ce patient, un taux normal de LL-37 a été relevé.

Le rôle de A. actinomycetemcomitans

En outre, la forme sporadique dont était atteint le cinquième patient était apparemment une forme atténuée. Le patient présentait en effet des problèmes dentaires mineurs. Or, chez ce patient, un taux détectable de LL-37 persistait. Il semble donc bien qu'existe une relation dose-effet entre production de LL-37 et état dentaire.
L'hypothèse faisant de A. actinomycetemcomitans le pivot de ce phénomène doit encore être confirmée. Mais, surtout, la question est posée du rôle de l'immunité innée dans les formes plus classiques et moins sévères de maladie périodontique.

K. Pütsep et coll. « Lancet » 2002; 360: 1144-1149.

Vincent BARGOIN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7197